L'histoire :
Jiri est une cigogne excentrique et Polka un renard peu futé. Seuls dans le désert, sur une terre Yin et Yang, très proche du soleil, ils meurent de soif. Errant sans arrêt au milieu d’un paysage hostile, ils cherchent de l’eau. Miracle ! Ils voient un estaminet en plein milieu du désert. Il parait ouvert. Or quand ils se rapprochent, le bar a disparu… La nuit, ils voient alors un poisson volant dans le ciel. Polka est persuadé que s’ils suivent le poisson, il les mènera à un point d’eau. Les deux amis marchent, mais finissent par comprendre que le poisson, lui aussi, semblait être un mirage. Que faire ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Renaud Dillies, atypique auteur de Bulles et nacelles et d’Abélard, récidive en solo. Il met toujours en scène des animaux personnifiés et l’emprunt aux fables de La Fontaine est évident. Dans ce nouvel opus, on suit ainsi toute une galerie d’animaux qui ont des attributs ou des vêtements humains : l’élégant hippopotame, la minuscule autruche, le facteur poulpe, l’hippocampe complètement timbré (et pas à cause du poulpe !) et l’escargot géant qui porte une vraie maison sur son dos. Le couple de héros est d’ailleurs un clin d’œil à la fable Le renard et la cigogne… mais les comparaisons s’arrêtent là, puisque les deux compères sont amis et n’ont pas du tout le même caractère que ceux de la fable. Entre les fables de La Fontaine et les contes africains, le récit offre un dépaysement sidérant. On suit ces deux infortunés dans des minis aventures absurdes et totalement farfelues. Piégés par une narration délirante, Jiri et Polka ne savent plus si le désert est fou ou s’il rend fou. L’imaginaire de Dillies se débride totalement et reste malgré tout crédible et astucieux : on ne sait jamais si on évolue dans la réalité ou si le tout est un mirage. Au cours d’aventures oniriques totalement dingues et devant cet album sans équivalent, le lecteur a les yeux qui brillent comme des étoiles. On reconnaîtra aussi avec tendresse l’univers magique de Fred dans certaines pages. Le plaisir est aussi lié à des textes savoureux et pleins de finesse et d’intelligence, l’auteur tordant les mots et leur sens pour un rendu complètement… tordu ! L’aventure est aussi graphique : Dillies joue avec les cases, leur découpage, les enluminures et les cartouches narratives. Les trouvailles sont parfois jouissives, les personnages passant parfois d’une situation ubuesque à une position métaphysique. Même s’il manque des clefs (difficile de trouver quoique ce soit dans le désert), le tout reste parfaitement cohérent et profondément poétique. Cependant, Dillies sait aussi s’amuser et joue de l’absurde de façon grotesque et très drôle (par exemple, Polka répond « ciseaux » au pitbull policier qui lui demandait ses papiers, croyant qu’il voulait jouer à « Pierre, feuille, ciseaux »). Un superbe voyage dans le pays de l’absurde, à visiter absolument !