L'histoire :
Tel un ouvrier de base, Slava, artiste-peintre, aide à faire tourner la mine que sa compagne Nina exploite en Russie. Ils sont désormais parents d’une fillette, qu’il convient de nourrir. C’est la grosse bricole pour réparer les machines, étant donné que ces années 90 naissantes sont celles où tout s’arrête, pour tout repartir… autrement. La production de la mine, notamment, parvient à l’extraction d’une quantité honorable de minerai, mais depuis son bureau de direction, Nina se confronte à une inquiétante pénurie d’acheteurs. Leur dernier client leur claque en effet la porte au nez. Il a été racheté, comme tous les autres, par leur pire ennemi, Morkhov, qui leur impose également une OPA agressive. Dans ce contexte de production vaine, Volodia, le père de Nina, commence à avoir des malaises cardiaques. Le résultat d’une vie dédiée sans limite à l’impulsivité et à la vodka. Mais Volodia refuse de se soigner. Slava a aussi quelques nouvelles de son ancien ami escroc, Lavrine, qui fait le malin sur les plateaux télés. Ce qui n’empêche pas l’artiste de continuer à peindre, jusqu’à intéresser très sérieusement un agent, qui lui organise de fructueux vernissages et de mirobolantes ventes…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tout comme les histoires d’amour, les affaires en Russie finissent mal, en général. On avait à peu près pigé ce postulat depuis le premier tome de cette trilogie pilotée par Pierre-Henry Gomont, qui se termine donc avec ce troisième volet. Grand amateur de littérature russe, l’auteur brosse le portrait de la société slave au moment du grand tournant anarchique des années 90. Car à votre avis, comment passe-t-on d’un régime soviétique et d’une organisation communiste à l’économie de marché occidentale ? Dans le gros bordel économique et mafieux, bien évidemment ! Le recul nous a décrit comment des oligarques se sont authentiquement approprié ressources et industries (voire pouvoir), en exploitant ignoblement un peuple soumis, pour devenir de puissants milliardaires aux méthodes expéditives. C’est à un de ces épiphénomènes, fictif mais très bien inspiré de la réalité, que le lecteur assiste, au travers des destinées de l’artiste-peintre Slava et de son entourage, qui seraient burlesques si elles n’étaient tragiques. Du fond de la mine qu’il aide à exploiter, jusqu’aux salons moscovites où il expose, le talentueux Slava subit. Des paysages de montagnes balayés par le blizzard aux fastes des palais dorés, Gaumont dessine une nouvelle fois l’ensemble d’un trait stylisé, vif, toujours très juste dans sa composition et dynamique dans son découpage. Le narratif est soigné, les dialogues truculents, les personnages attachants : une formidable trilogie se termine en amère apothéose.