L'histoire :
Dans les années 1950. Paul est un Américain presque normal, avec maison, femme et enfant. Spécialiste de l'Asie, il travaille pour le Pentagone. Mais depuis longtemps, sans que personne ne le sache, Paul est atteint d'un trouble de la personnalité. Il fait en effet des rêves étranges que lui seul peut comprendre. Il y voit l'Empire de l'Atome et l'Empire des Etoiles, mais aussi un personnage, Zarth Arn, héros d'une épopée galactique futuriste, avec lequel il entre en télépathie. Rêve ou réalité ? Unique en tout cas, ce cas psychiatrique fait la Une des journaux, tandis que Paul devient célèbre. C'est alors que Gibbon Zelbub, milliardaire cynique, va se servir de lui pour fonder un Empire et tenter de mettre au point des armes militaires ultra-perfectionnées...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Thierry Smolderen, fin connaisseur du 9ème art, s'est aussi spécialisé dans les récits d'anticipation et de SF (Convoi, Ghost Money). Dans Souvenirs de l'Empire de l'atome, il raconte une histoire inspirée d'un fait réel, celle de Paul, atteint d'une maladie mentale et perdu entre rêve et réalité. C'est là tout l'intérêt de l'album, où le lecteur, comme le héros, aime se perdre. Smolderen s'en sert pour tisser une intrigue complexe mais maîtrisée, multipliant les allers-retours entre les époques (années 20, fifties et expo universelle de 58 à Bruxelles, futur intersidéral) et les lieux (Asie, Mexique, Washington...). Malgré un découpage fractionné, la narration reste fluide et l'histoire lisible, suffisamment mystérieuse pour nous tenir en haleine. Plus qu'un simple récit de SF, L'Empire de l'atome est une BD composite navigant entre hommage, récit d'espionnage et réflexion géopolitique où Smolderen répète les clins d'œil au « style atome » et à son imaginaire fécond. Décors stylisés, pub clinquante, mobilier urbain moderniste, on baigne avec délice dans une ambiance à la fois rétro et futuriste, tantôt légère, tantôt angoissante. La présence de Franquin ou de feu l'architecte Niemeyer sont d'ailleurs suggérées. Le scénario étudié semble avoir parfaitement inspiré Alexandre Clérisse, le dessinateur, très à l'aise dans la représentation des différents décorums, qu'ils soient futuristes, paysagers ou vintage. Chacune des 140 planches révèle une virtuosité à s'approprier un style graphique et à le réinterpréter par petites touches, à l'appui de couleurs éclatantes ou élégantes, jouant sur la transparence et les motifs, et d'un design infographique plus que maîtrisé. C'est beau, même fascinant visuellement. A la fois œuvre hommage et space-opéra séduisant, cette BD à l'édition soignée du duo Smolderen/Clérisse réussit parfaitement son coup. Une des belles sorties de ce début d'année.