L'histoire :
Cadre au service achats chez Rondelles S.A., Fabrice Couturier adore son métier. Ainsi, il adore saigner un fournisseur pour augmenter les marges et il aime surtout l’idée d’être promu sous peu chef du service, puisque la place est libre et qu'il est le seul postulant en interne. Il a toutes ses chances depuis le temps qu’il fayote ostensiblement auprès de la Direction – on l’appelle « le suceur ». Alors qu'il est convoqué dans le bureau du Directeur, on lui explique que le poste tant convoité qui lui tendait les bras vient de lui échapper au profit d’une jeunette très tonique choisie en externe. Groggy, dégoûté, Fabrice passe d’une humeur pétillante à l’inertie la plus totale. Jusqu’au jour où, exaspéré par les règles de l’EHS (environnement, hygiène et sécurité) qui forme les employés à descendre des escaliers pour ne pas se casser le scrotum ou qui impose les déclarations de presque accident pour étudier « les roots causes et établir les good practices », il décide de passer à l’attaque en suivant le conseil d'un délégué CGT : « pas en frontal, sinon t’es mort »...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ah, le merveilleux monde du travail ! Voilà une source intarissable d'idées pour énormément de scénaristes. Mais à y regarder de plus près, force est de constater qu'il est n'est pas facile d'appréhender le sujet sous un angle un peu original. Et ça, Jacky Schwartzmann (un ex cadre en entreprise) l'a bien compris, dans la mesure où il y a choisi d'épingler tous les petits travers d'un quadra aux dents longues qui ne vit que pour et par son entreprise. À la fois cinglant et hautement cynique, ce récit (dé)montre qu'il n'est pas facile de sortir du cadre imposé par la vie au travail et que ses multiples rouages sont autant de maillons interconnectés à une lente inertie. En effet, derrière toutes les nouvelles règles portées haut par le domaine de la sécurité et de la santé au travail via l'EHS (environnement, hygiène et sécurité), Fabrice Couturier va vite s'apercevoir qu'il n'est pas facile d'évoluer en interne sans s'adapter au monde qui l'entoure. Et lorsque le fauteuil de N+1 lui échappe au profit d'une recrue extérieure, ce bon vieux Fabrice Couturier change son fusil d'épaule et se pose comme un véritable rebelle face à sa Direction en détournant toutes les règles extravagantes de sécurité à son avantage pour faire du « sabotage passif ». En ce qui concerne les graphismes, le trait de Morgan Navarro est plutôt simple et relativement fluide. Le dessinateur arrive sans peine à insuffler pas mal de dynamisme à l'ensemble sans pour autant se perdre dans des détails inutiles. De plus, le choix d'une bichromie bleu / blanc permet de donner à l'ensemble une sorte d'atmosphère linéaire qui sied à merveille au monde de l'entreprenariat. En fin de comptes, Stop Work est une satire sociale du monde du travail bien sentie et bien ficelée qui permet de tirer à boulets rouges sur les conventions hiérarchiques et l'ambition des jeunes loups de la start-up nation. Tout un programme !