L'histoire :
Le chat Tim part en vacances avec sa famille. C’est un chat joueur qui aime particulièrement s’amuser avec tout ce qui traîne : pelote de laine, rideau, insecte… Tant et si bien qu’il finit par se perdre dans la ville. Ses « parents » adoptifs, Serge et Ann Baeken, le pleurent... et ils ne le retrouveront jamais. Pour effacer leur peine, ils décident d’en prendre un autre. Ils trouvent un beau chaton gris et l’achètent à peu de frais. Ravis de cette acquisition, ils l’appellent Jeff. Cependant, dès qu’ils arrivent à la maison, le chaton semble très affaibli, angoissé d’être séparé de son frère. Il meurt dans les bras du couple, décidément bien malchanceux. Désespérés par autant de déboires, ils décident de ne plus avoir d’animaux pour éviter de souffrir à chaque fois. Pourtant, le frère d’Ann lui offre un cadeau des plus particuliers : un nouveau chat ! Il est très mince, tout noir et il est à moitié siamois. Le couple l’adopte très vite et l’appelle Sugar !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le chat est à la mode en bande dessinée. On ne compte plus les albums sur nos fameux félins domestiques, et tous s'amusent de leurs caractères si particuliers et finalement standards. Cet album revendique toutefois sa petite originalité. En quelques saynètes, on suit la vie de Serge Baeken (l’artiste lui-même) et ses tentatives d’adopter un chat. Chaque chapitre fait la part-belle au chat, qui s’amuse dans l’appartement et qui traîne son corps longiligne de manière espiègle, presque envahissante. A l’image des entrées des différents chapitres, Serge Baeken n’a pas son pareil pour représenter les humeurs du chat. Totalement fascinant, il est gracieux et énigmatique, indépendant et domestiqué, tendre et sauvage... Baeken rend un bel hommage à la race. Sugar traverse donc la vie quotidienne du couple et évolue dans un univers extrêmement réaliste... et banal. L’histoire est donc en soi peu originale et tombe souvent à plat, tellement le propos se borne à décrire notre quotidien réaliste. En prime, le choix de faire parler les chats tranche énormément avec le naturalisme de l’histoire et laisse quelque peu sceptique. Cela dit, l’album vaut surtout par son découpage particulier. En effet, à la façon d’un architecte, Baeken assemble ses cases comme une seule unité au sein des planches. A la fois pleine page et en même temps morcelé en un gaufrier de 24 cases, le procédé donne le vertige à la lecture. Certaines cases forment une unité mais le chat s’y balade, décloisonnant totalement l’espace et le temps. Ce parti-pris graphique est donc fascinant d’inventivité. Les cases sont des sortes de puzzle que le regard parvient à peine à reconstituer puisqu’il faut constamment jongler entre des cases séparées et un décor unifié entre les bandes. Cette gymnastique du regard mime parfaitement le tempérament joueur du chat, qui se trouve partout, présent et insaisissable à la fois. Cet art trouve son point d’orgue dans une magnifique scène où le couple fait l’amour devant leur chat. Avec le jeu des cases qui se divisent et se superposent, Serge y créé une illusion d’optique étonnante : on a l’impression que Sugar finit par faire l’amour avec sa maîtresse ! Le trait en noir et blanc est beau et particulièrement efficace pour représenter toutes les attitudes et les expressions des chats. Il l’est en revanche beaucoup moins pour représenter les humains, peu expressifs. L’impression est donc contrastée : le traitement visuel est original, mais le scénario bien faible. En somme : à réserver aux amoureux des chats...