L'histoire :
En 1820, sur le fleuve Mississippi, un frêle esquif s’avance doucement sur une eau calme dans le soleil couchant. L’assistant et le guide de John-James Audubon voient arriver un énorme orage, mais lui n’a rien vu venir. Une colonie d’oies bernaches forme un V immense dans le ciel et il concentre tout son être à les observer. Il s’agace même que ses compagnons puissent craindre l’orage. Qui arrive, forcément, et les contraint à accoster dans l’urgence pour chercher un abri. Le premier réflexe d’Audubon est de protéger ses croquis, puis les trois hommes partent chercher un abri sur la terre ferme. Ils se réfugient dans une grotte à l’entrée de laquelle une chouette attend paisiblement l’accalmie. Elle se tourne vers les hommes et pose son regard fixe sur eux. Jean-Jacques Audubon demande son matériel et commence à dessiner l’animal. « Elle est capable de rester des heures comme cela », s’extasie-t-il. Ce à quoi Joseph, son assistant, répond : « Vous aussi, monsieur, vous aussi. »
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’incipit qui raconte l’épisode de la retraite forcée sur les berges du Mississipi est un condensé de la vie d’Audubon, l’homme aux multiples noms, comme le surnomme Fabien Grolleau. Amateur passionné d’oiseaux, observateur patient à la limite de l’autisme, c’est aussi un aventurier qui a sillonné les Etats-Unis d’Amérique en long et en large, et un artiste. Là est son second problème, son premier étant qu’à devoir choisir entre sa famille et sa passion, il n’a pas vu grandir ses enfants. Avant-gardiste, il considère de son devoir d’immortaliser les oiseaux dans leurs positions naturelles, celles de la vie de tous les jours. Ses geais bleus en train de se repaître d’entrailles choquent les vieilles barbes de l’académie des sciences… C’est une belle histoire que nous content là Fabien Grolleau et Jérémie Royer. L’histoire d’un homme qui aime la nature, la sillonne, qui vit pour sa passion et son art, mais qui a la chance d’être ramené à un moment de sa vie à l’humanité qui commençait à le fuir. Belle et longue histoire, déroulée avec patience, avec juste ce qu’il faut de texte pour comprendre et apprécier les relations, avec un dessin clair et facile à lire, riche et coloré, mais surtout extrêmement diversifié, avec des alternances de plans qui collent très justement avec le personnage principal, à la fois observateur, scientifique, artiste et, forcément, rêveur… Un travail de longue haleine ! C’est une belle réussite que ce livre, grâce à un lien particulièrement bien tissé entre les deux auteurs. A lire (et regarder) la tête dans les nuages.