L'histoire :
Jean-Eudes de Cageot-Goujon est plus connu sous de le sobriquet de Manu Larcenet, ex-star de la bédé mondiale. Peut-être que même ce nom ne vous dit rien du tout. C’est normal car aujourd’hui, il n’est plus rien. Comme nous l’avons vu dans son précédent album, le monde de la création est une jungle. Contrairement à l’idée généralement admise, trouver l’idée du siècle pour faire une bédé qui révolutionnera le métier n’est pas une partie de plaisir. Dans le cas de Jean-Eudes, l’âge, la lassitude et la santé mentale ont eu raison de la flamme ardente que tout artiste se doit d’entretenir jalousement sous peine de choir dans les ténèbres de l’incurie. Dans ce métier, il n’y a pas d’assurance chômage. Visiblement incapable de trouver l’idée du siècle digne de ce nom, il passera directement de la case « incomparable génie de l’art séquentiel international » à celle d’artiste fini. D’un commun accord avec la société et lui-même, ils ont décidé de faire un break dans leur relation, histoire de résoudre leurs problèmes, chacun de son côté. A elle ses gilets jaunes et à lui les blouses blanches de la clinique psychiatrique.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jean-Eudes de Cageot-Goujon souffre de troubles bipolaires et cet artiste de bédé est souvent submergé par l’angoisse de la feuille blanche, la disparition de l’inspiration. Cette fois-ci, on le retrouve en hôpital psychiatrique, une sorte d’eldorado où on distribue gratuitement des drogues ! Si notre artiste a de nombreuses attentes vis-à-vis de ce séjour en HP, il va surtout connaître quelques désillusions. Le personnel soignant va malheureusement renforcer ses névroses : le psychiatre ne comprendra rien à sa problématique, lui immisçant l’idée qu’il ne s’énonce pas clairement. La responsable de l’atelier créatif, quant à elle, n’apparaît pas sensible à ses productions. Son super-héros Albatrosman ne semble pas destiné à un avenir très prometteur. Bref, ce séjour en HP ne sera pas une cure de jouvence. Ce nouveau récit autocentré est un vrai divertissement. Manu Larcenet fait preuve de beaucoup d’auto-dérision et de fantaisie : il ne nous entraîne jamais dans la mélancolie. Si l’on pouvait craindre que ce second album soit redondant, il n’en est rien : c’est drôle, intelligent, imaginatif et astucieux. Graphiquement c’est à nouveau très abouti et les références à d’autres artistes y sont multiples. Manu Larcenet revisite avec beaucoup de maîtrise et de talent des styles graphiques variés : des tapisseries moyenâgeuses aux BD modernes avec des personnages noyés dans la pénombre de pièces vides ; ou encore des décors psychédéliques où vole son super-héros aux adaptations de vieux westerns de poche des années 60, le lecteur en prend plein les mirettes. Manu Larcenet nous fait la démonstration que son talent graphique, comme scénaristique, est intact et qu’il demeure un maître de la BD.
