L'histoire :
Sylvestre Ruppert Levansky va bientôt prêter serment. Et c'est en tant que jeune substitut du procureur qu'il se penche sur la disparition d'Emile Landaret, un homme apparemment tranquille dont la fille n'a plus de nouvelles. Nous sommes au milieu des années 80, dans l'Est de la France. Le jeune juge ne sait pas encore qu'il va faire une carrière prestigieuse qui le mènera à une présidence de Cour d'Assise. Les premiers échanges avec la jeune Louise ne semblent rien indiquer d'autre qu'une fugue délibérée, mais un indice va titiller la curiosité du brillant magistrat. Un certificat manuscrit dont l'écriture semble fausse va ouvrir, par une succession de recoupements, la piste de Mathilde Wissembourg, une dame de près de 60 ans qui fait partie des relations d'Emile. Les premiers contacts avec elle sont glaçants. Elle montre tout son mépris pour les enquêteurs, faisant preuve d'une arrogance incroyable, et se laissant aller à des insultes envers eux. Sans preuve matérielle, Sylvestre va poursuivre dans cette direction, révélant petit a petit des éléments très inquiétants dans l'histoire de Mathilde. Pendant ce temps, la petite amie du futur juge se lasse de la vie ennuyeuse qu'ils mènent ensemble. Elle le trompe avec des hommes plus jeunes, cherchant auprès d'eux ce que ses contraintes professionnelles l'empêchent désormais de lui offrir. Il ne parvient pas à franchir le pas d'une séparation qui semble inévitable, et ses nuits sont hantées de cauchemars ou Rachel et Mathilde se confondent.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le duo formé par Denis Robert et Franck Biancarelli est en train de devenir une combinaison réellement intéressante, de plus en plus habile dans sa manière de raconter une histoire. Le parcours de Robert, journaliste d'investigation engagé, lui sert de point d'appui pour décrire avec énormément de crédibilité les séances d'interrogatoire et les discussions entre procureurs et juges. Ancrée dans le quotidien d'un homme encore jeune qui va prêter serment, son intrigue s'appuie sur les sujets authentiques qu'il a étudiés de près. Tout sonne très juste dans les parcours multiples qui se croisent dans cet album. L'auteur s'éloigne des sujets sociétaux qui ont fait sa réputation pour construire ici un vrai polar au potentiel cinématographique déjà identifié – un film est prévu en 2020. Franck Biancarelli poursuit quand à lui son parcours de dessinateur très exigeant dans sa recherche de l'efficacité narrative et parfois d'élégance formelle. On devine qu'il est aux manettes pour permettre aux séquences imaginées par son compère de marquer le lecteur grâce à des effets de mise en scène très travaillés. Sa passion pour le noir et blanc et son admiration pour les maîtres américains est présente, sans pour autant multiplier les artifices. Il dose remarquablement les effets de lumière, complétés par des couleurs sobres. La page 22 du retour de Rachel au milieu de la nuit est un très bel exemple du savoir-faire de l'artiste, une séquence découpée au cordeau, classique et moderne à la fois, imparable. Le récit est passionnant, ses quelque 150 pages sont un véritable bonheur pour l'immersion du lecteur. A mesure que l'enquête de Sylvestre avance, on retient son souffle dans l'attente de la vérité sur le meurtre que Mathilde aurait commis. Et on s'agace de voir le jeune juge ne pas décrocher de cet amour aveugle pour Rachel. Bref, on est coincés !