L'histoire :
Keith est le grand maigre, sérieux et leader. Kurt est le petit gros, simplet et affamé. Ces deux insectes inséparables sont persuadés qu’ils sont sur la bonne voie pour former un groupe rock. Ou plutôt, un groupe de « musique » néo-gothique : les Toxic death of the darkside of the bloody crow (la mort toxique du côté obscur du corbeau sanglant). Enfin, tout ceci n’est qu’un concept. Il faut d’abord trouver un chanteur que Kurt ne bouffe pas. Et aussi soigner le look. Et aussi trouver le message. Et aussi acheter un nouvel ampli, de 100 000 milliwatts (minimum). Et aussi apprendre à jouer de la batterie… Kurt n’est pas persuadé que le néo-gothique soit très porteur. Il préfèrerait faire des chansons d’amour, un peu plus commercial, quoi, comme José la cigale… Mais il n’ose l’avouer à son pote car il est faible. Keith, lui, ne dévie pas d’un iota de son idéal rebelle. Il impose des entrainements drastiques à son camarade. Mais d’abord, il leur faut s’exiler : Kurt a fait croire à la reine des abeilles qu’ils allaient lui jouer de la musique de chambre et quand elle s’est aperçue qu’elle s’était faite enfler, elle a lâché ses abeilles tueuses à leurs trousses…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
100 000 milliwatts est l’exemple typique de la BD minimaliste à l’humour percutant. Il faut reconnaître qu’avec Diego Aranega au scénario, on ne risquait pas de s’ennuyer… Aranega, vous savez, c’est le scénariste de Victor Lalouz, gnome as-been et mochissîme au possible, qui se prend pour la vedette d’une radio djeunz (chez Dargaud / Poisson pilote). Dans cette suite de gags entomologiques, Aranega emploie le même type de tchatche humoristique, avec des effets variables (car souvent redondants). Tantôt on pouffe franchement, tantôt ça tombe à plat. De même, le schéma des personnages n’a rien d’innovant : Keith tient le rôle du monsieur loyal et Kurt celui du gugusse (cf. Astérix et Obélix, Laurel et Hardy…). En revanche, voilà deux auteurs qui ont un pur sens du gag : chacune de ces planches en gaufriers (12 cases carrées) est impeccablement rythmée, découpée et mise en scène, pour parvenir à une chute percutante. Or, l’efficacité n’était pas une sinécure, étant donné la naïveté du dessin : les personnages sont composés de formes simples et fermées, et évoluent dans un décor élémentaire, sur un fond de couleur tramée. Certes, au moins, c’est hyper lisible ! A priori, Denis Bernadets aux couleurs n’a pas trop souffert… Avec un style aussi minimaliste, Jochen Gerner, membre de l’OuBaPo (Ouvroir de Bande dessinée Potentielle) et concepteur de « livres d’expérimentations graphiques », avait forcément sa place au sein de la collection Shampooing.