L'histoire :
Le mois de novembre 1918 est arrivé. L'Armistice a été signée et les soldats sont revenus dans leurs foyers. Pierre est perdu dans ses pensées. Il a toutes les peines du monde à aller écouter le discours du maire, plein de propos héroïques qui sonnent tellement faux. Quatre ans de conflits sont passés par là, et le décalage entre la célébration de la victoire et l'histoire qu'il a traversée lui est insupportable. Jules s'abandonne dans l'alcool, tandis que Momo prend une décision radicale. Il décide de se débarrasser de tous les dessins qu'il a réalisés sur le champ de bataille, et convainc son épouse de les confier à Pierre. Une maladie incontrôlable l'empêche de vivre une vie normale, il veut tourner définitivement la page. Gigi, qui se retrouve seule après la mort de Denis sur le champ de bataille, doit vendre son bar pour passer à autre chose. La guerre est finie mais la bataille que les survivants vont livrer est toute autre. Les soldats comme leurs épouses ne retrouveront jamais leur vie d'avant. Désarmés et seuls, ils vont devoir affronter chaque jours les regards de leurs contemporains. Ils sont les témoins de l'horreur absolue, les porteurs impuissants du souvenir de l'horreur. La guerre est gagnée, la paix est revenue, mais plus rien ne sera comme avant.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec ce dixième et dernier opus, Eric Corbeyran livre la conclusion nécessaire à une saga remarquable sur la première guerre mondiale. Aucun des survivants n'échappe à son destin, et le retour dans le village d'origine conforte le propos de l'auteur sur l'absurdité du conflit et ses conséquences dramatiques. Le scénariste ne surprend pas, mais prend le temps de tirer les conclusions de cette aventure humaine qui dépasse l'entendement, et touche à l'absurdité. Cette série est définitivement le meilleur travail de Corbeyran à ce jour, et démontre que son approche grand-public peut acquérir une vraie noblesse, tout comme les œuvres a priori plus exigeantes de grands confrères comme Jacques Tardi. On attendait cette touche finale avec impatience, portés par le rythme de parution rapproché des neuf volumes précédents. Il n'y a plus de combat armes à la main pour ceux qui sont sortis vivants des grandes batailles qui se sont succédé, mais chacun va devoir affronter les séquelles physiques ou mentales de ce qu'il a vécu. Les épouses et compagnes prennent toute leur place dans cette vie qui commence, tout comme elles n'avaient jamais cessé d'attendre le retour de leurs compagnons. Le travail d'Etienne le Roux, Loic Chevallier et Etienne Brizard est à la hauteur de l'enjeu. Les trois illustrateurs n'ont jamais reculé devant l'exigence d'un récit très réaliste. Ils ont contribué à donner à cette épopée les images qu'elle méritait, fortes et profondes, sans concession. Les lecteurs qui n'avaient pas encore ouvert un album de 14-18 peuvent plonger sans hésiter dans cette oeuvre très bien construite, qui fascine autant qu'elle conduit à réfléchir sur un drame à la portée absolument universelle. Une œuvre superbe et abordable à la fois, tout simplement indispensable.