L'histoire :
En ce mois d'avril 1915, la situation dans les tranchées françaises de la région belge d'Ypres est très calme. Jacques et Arsène ont fui en douce les lignes de défense pour aller rencontrer des jeunes femmes qui vendent leurs charmes dans le village voisin. Au retour, ils manquent de se faire arrêter par des fonctionnaires zélés, mais finissent par retrouver leurs positions. Le lieutenant s'inquiète de l'absence de mouvement du côté des troupes allemandes, et demande au caporal de creuser un tunnel souterrain avec quelques hommes pour s'approcher en secret des lignes ennemies. Pendant ce temps, Maurice écrit une longue lettre pleine de tristesse à son amie Nicole. Il est marqué dans son honneur personnel depuis que ses dessins d'hommes nus et son homosexualité ont été la risée de la troupe. L'ennui va bientôt être interrompu par l'écroulement d'une galerie, lorsque l'équipe progresse, pelles et pioches à la main. La découverte que les hommes vont faire en dégageant la terre et les cailloux va changer une nouvelle fois le visage de la guerre. Et transformer les futurs survivants en victimes éternelles de souvenirs intolérables...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La lettre de Maurice traverse ce quatrième volume comme un témoignage poignant du vécu d'un soldat des tranchées. Un jeune homme désemparé devant la cruauté des hommes, qu'ils soient ses ennemis ou ses propres compagnons. Pour ce nouvel épisode, Corbeyran trouve un rythme implacable, une séquence d'allers-retours entre 1915 et 1919 qui glace le sang. Dans cette nouvelle saga ambitieuse, chaque dialogue est pesé, les silences sont nombreux, les voix-off frappantes d'authenticité. Le scénariste s'appuie sur un duo composé d'Etienne Le Roux au dessin et de Jérôme Brizard aux décors et couleurs, pour maintenir le rythme de sortie de ces albums (quatre en un peu plus d'un an). Les deux dessinateurs peuplent le récit d'images fortes, dont deux pleines pages sombres et terrifiantes qui coupent le souffle. 14-18 est sans conteste le travail le plus ambitieux et le plus réussi de Corbeyran, dont la réputation de scénariste prolifique et grand-public détourne probablement une partie des amateurs de BD d'un travail qui n'a pas à rougir de la comparaison avec les plus grandes saga sur la sale guerre. Ce quatrième album semble même monter d'un cran dans la maîtrise narrative, la qualité des textes, et un message nihiliste d'une grande force littéraire.