L'histoire :
En février 1919, un couple se rend chez un médecin parisien. Dans le cabinet, l’homme dévoile son visage enroulé par une écharpe : il lui manque un œil, le nez et la moitié inférieure de la mâchoire. Professionnel, le médecin ausculte et rassure cette « gueule cassée » de la Grande Guerre : sa prothèse arrivera la semaine prochaine. Mais au-delà des stigmates physique, l’ancien poilu prénommé Louis semble souffrir d’une pathologie psychiatrique grave : il anone sans cesse la même phrase : « il a été blessé, il a perdu sa baïonnette, il ne peut plus se défendre, tu peux le protéger, toi, tu es un vrai soldat ». Pour comprendre ce que Louis a vécu, il faut revenir 5 ans en arrière. Le 1er août 1914, ce paysan père de deux enfants joue de l’accordéon à la fête foraine de son village. Sa bande de copains s’enivre, se détend, se courtise, danse et apprend l’entrée en guerre entre l’Allemagne et la Russie. Quelques heures plus tard, le bal populaire sera interrompu par une annonce du garde-champêtre : l’ordre de mobilisation générale vient d’être promulgué, la France entre également en guerre. Sous une chaleur oppressante, les hommes du village n’ont que deux jours pour profiter de leur famille, mais ils promettent de revenir rapidement…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est affaire de commémoration : puisqu’en ce mois d’août 2014, il y a 100 ans que la première guerre mondiale a commencé, les éditeurs et les auteurs nous rassasient actuellement d’œuvres mémorielles toutes plus ambitieuses et réussies les unes que les autres. Il faut croire que la gravité du sujet décuple le soin apporté à la concrétisation des intentions. Les éditions Delcourt répondent à l’appel, associant sur le sujet deux auteurs vétérans et confirmés : le prolifique Corbeyran (au scénario) et le talentueux Etienne Le Roux (au dessin). Pour assurer la haute fréquence des parutions – l’éditeur annonce d’emblée 10 tomes en 5 ans – le dessinateur est aidé par deux anciens élèves : Loïc Chevalier pour les décors et Jérôme Brizzard pour les couleurs. Et il avoue avoir pris un peu d’avance… Le résultat de ce studio virtuel est de haut niveau : les personnages sont expressifs, les cadrages variés imposent un rythme idoine, les décors chiadés et les ambiances légèrement sépia ou passées terminent de nous immerger dans l’époque, comme le feraient les cartes postales anciennes. Pour contexte et héros, nous suivrons 8 hommes et 8 femmes originaires du même village, qui se trouveront cruellement ballotés par les épisodes de la grande guerre. Chaque album focalisera sur un événement marquant, au fil d’une ligne narrative chronologique, et constituera un récit complet auto-conclusif. Ce premier opus se concentre évidemment sur l’entrée en guerre, en plus de présenter les personnages. On découvre leurs rapports amicaux, sentimentaux ou rivaux, leur petite vie de village… puis la mobilisation intervient et un premier combat à hautes tensions conclut l’opus, comportant une case pleine page en guise de climax. Si un compromis a été trouvé pour les dialogues – compréhensifs mais mâtinés d’expressions typiques de l’époque – et que les scènes d’action sont fluides, seule subsiste peut-être une légère difficulté à bien distinguer les (nombreux) protagonistes moustachus. Une bien belle entrée en matière, qu’on se plaira à suivre tout au long des 10 tomes, jusqu’en 2019.