L'histoire :
Nous sommes en septembre 2014 et le groupe d'amis enrôlés pour les premiers mois de guerre fait une pause dans un village de l'est de la France. Une grande partie des populations a fui la ligne de front, tandis que les troupes françaises tentent de résister à l'avancée des allemands. Il faut à tout prix empêcher l'envahisseur de franchir la Marne, même si des informations commencent à circuler sur l'armement dont disposent les forces adverses. L'Allemagne semble plus puissante que la France, tant sur le plan des troupes mobilisées que sur celui de l'armement. L'optimisme naïf des premiers jours n'est plus de mise, et les plus lucides prédisent déjà un affrontement tragique. Alors que les hommes sont rassemblés sur la place, Pierre revient d'une visite chez un paysan avec quatre bouteilles de vin qu'il a obtenues en échange d'un service rendu. Les hommes partagent alors ce moment de détente, dans l’attente d'un assaut prévu le lendemain sur les lignes ennemies. Pendant ce temps, les femmes de Pierre, Jacques et les autres trouvent le temps long, comprenant elles aussi à travers les lettres qu'elles reçoivent, ou au contraire le mutisme de leur mari, qu'elles vivent les premiers mois d'une page tragique de l'histoire de leur vie.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec cette nouvelle saga prévue en huit tomes, Corbeyran trouve un souffle que peu de ses projets précédents lui avaient donné. Ses personnages emportés au cœur de la première guerre mondiale prennent, avec les événements, la maturité et la dureté qu'ils n'avaient pas quelques mois plus tôt. Ils révèlent l'un après l'autre de nouvelles facettes de leur personnalité, tandis que leurs compagnes réalisent à distance que les trois ou quatre semaines de campagne initialement prévues vont prendre une toute autre dimension. Le choix d'Etienne le Roux, accompagné de Jérôme Brizard pour illustrer cette saga historique, est totalement pertinent. Le dessinateur donne une densité et une force très particulières au sort des hommes au cœur des difficultés de la guerre. Ses pages sont remarquablement lisibles tout en étant riches de détails ; les visages de Pierre ou de Jacques portent dans leurs expressions toute la complexité de leurs sentiments. Rarement Corbeyran aura eu un tel talent graphique à son service, et force est de constater que le duo cartonne, donnant à l'autre le meilleur de lui-même. La technique narrative du scénariste, qui consiste à ouvrir chaque album par une scène qui se déroulera après la guerre, est par ailleurs très habile, puisqu'elle nous donne à voir des personnages qui réagissent à des faits que nous n'avons pas encore vus. L'écheveau s'assemble alors, sans effet de manche, porté par la force et l'horreur de l'Histoire. Et la fragilité tragique du destin des hommes...
