L'histoire :
Depuis peu employés par le magasin de bricolage Valfort, Brice et Rufus n’ont pas tardé à se faire renvoyer : l’un baillait doucement aux corneilles ; l’autre n’a pas apprécié la remarque désobligeante faite à son copain et s’est senti obligé de jouer du poing. Comble de déveine : l’entreprise en question est tenue par le fils d’une famille qui, de la plus haute fonction municipale, en passant par ses diverses entreprises, pèse lourdement sur l’économie de la commune. Les chances de trouver un autre boulot sont donc réduites à néant. Le jeune patron à gros 4x4 a quant à lui d’autres soucis pour ne pas s’occuper, plus longtemps, du menu fretin qu’il vient de licencier : la belle institutrice, Lyse, vient de l’éconduire définitivement et il ne peut le supporter. C’est justement cette jeune femme qui donne malgré tout à Brice l’envie de rester dans la région : le charme d’un sourire efface rapidement le reste de sa mauvaise journée. Quelques heures plus tard, le hasard s’en mêle, puisque Brice intervient pour sauver la belle d’une crevaison. Sympathisant rapidement, elle lui propose de l’accompagner auprès de Joseph, un curieux bonhomme qui vit dans les bois depuis plus de 20 ans : ne supportant plus le poids de la machine humano-urbaine, il a pris ses jambes à son cou en allant aussi loin que le billet de train acheté avec l’argent qu’il possédait lui permettait d’aller… pour se retrouver dans ces bois et être découvert par Lyse et son papa.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Bien que ne constituant pas une suite directe des Âmes sombres et des Fils de la racaille, on pourrait parler avec ce récit d’une clôture de trilogie : le personnage de Brice présent dans les 3 opus et les thématiques abordées nous y invitent sans ambigüité. D’un trait réaliste auquel la colorisation donne toute sa sensibilité, Marc Vlieger nous offre ici une peinture singulière de notre société. Chronique sociale un brin poétique, fondamentalement humaniste, la plongée dans ce petit village français, guidée par un casting brillant, offrant un panel de psychologies aussi large que possible, invite à une réflexion sur le rôle et la place de l’Homme à l’endroit où il vit. Au-delà d’une pseudo-leçon qui donne à tous la possibilité d’apporter de l’eau à son propre moulin, le récit se veut haletant. Marc Vlieger réussit à installer une tension dramatique qui, du début à la conclusion, guide les événements. Très habilement, il sait aussi introduire un peu d’excès dans les situations pour éviter le reportage de société en privilégiant la fiction et son coté rebondissant. Il y a beaucoup de manichéisme dans tout ça, un peu de fatalisme aussi (après la ville, c’est la campagne qui semble vulnérable face aux velléités consuméristes de notre société). Mais au final, c’est l’amour (au sens altruiste) qui semble l’emporter, démontrant qu’en sa présence l’Homme peut se surpasser : tellement simple mais si bon... Une belle histoire, indéniablement.