L'histoire :
Des dizaines de centimètres d’algues vertes qui se déposent au reflux des vagues sur des plages bretonnes. En à peine deux jours, elle se sont décomposées, leur surface est devenue claire comme du sable, mais leur dangerosité peut s’avérer fulgurante. Un cheval en fut une des premières victimes spectaculaires. Ses pattes piégées dans le sol spongieux, qui se met à dégager du sulfure d’hydrogène, un gaz qui sent l’œuf pourri, puis inhibe l’odorat lorsque sa concentration est forte, pour finir par provoquer la mort en quelques minutes. Le médecin urgentiste Pierre Philippe connait le scénario, il en parle à Vincent Petit, le cavalier qui a survécu à des convulsions et une perte de connaissance. On remonte alors le temps vers les débuts de l’agriculture intensive, lorsque la combinaison des engrais massivement utilisés et du remembrement des terres a provoqué un écoulement massif de nitrates vers les rivières et la mer. Sans oublier la taille démultipliée des exploitations porcines, avec leurs déjections qui vont saturer le sol, ou des nitrates se forment à nouveau. Une double recette qui va provoquer une catastrophe sanitaire et environnementale qui dure depuis plus de quarante ans. Avec des enjeux industriels colossaux et de puissantes forces en présence...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Clairement, ce livre sur l’incroyable scandale des Algues vertes n’est pas une bande dessinée comme les autres, mais une véritable enquête journalistique, présentée à la manière d’un reportage télévisé. Le format des pages est d’ailleurs très clairement séquencé comme un documentaire, avec des plans fixes sur des personnages dont le nom apparaît en bas de l’écran. Un format très facile à aborder, et qui rend la lecture accessible à tous les publics, et une approche probablement très naturelle pour la scénariste Inès Léraud, journaliste et documentariste de métier. Sa structure en parties distinctes, dont la première consacrée au danger des algues vertes, est très efficace. Les preuves semblent s’accumuler sans l’ombre d’un doute. Si bien qu’on est estomaqué de voir comment l’ensemble des autorités locales semblent refuser de voir la vérité en face. En prenant soin de citer les commentaires des protagonistes qui contestent la valeur de son travail, Léraud rend compte à la fois de la difficulté de convaincre, et de l’existence d’une contradiction malgré un constat accablant. Tout l’album semble imprégné de l’odeur du sulfure d’hydrogène, ce gaz émis par la décomposition des algues sur les plages. Les couleurs de Mathilda sur les dessins de Pierre Van Hove en rajoutent parfois avec des bleu-vert vraiment peu ragoutants. Une lecture instructive et révoltante, pleine de la volonté d’une journaliste de faire connaitre le fruit de ses enquêtes par tous les moyens possibles. Et ça fonctionne !