L'histoire :
En cette chaude journée de l'été 1957, les pas de Louis Dansart résonnent sur le pavé bruxellois. Il est étudiant en dernière année de Droit. Comme tous les jours, il rêve de l'Exposition Universelle qui s'annonce et battra son plein l'année suivante. Comme tous les jours, il passe par les rues chics de la capitale et y observe les bourgeois. Avec attention, il les regarde dépenser leur argent, traque leur tics langagiers, scrute leur façon de marcher. S'il osait, il se laisserait même aller à les imiter. Eux, les riches. Il se dit qu'il se situe à un moment de son histoire où, il en est convaincu, elle donnera sa chance à un gars comme lui. Toutes les nuits, enfermé dans sa mansarde puante, Louis Dansart ne rêve que d'une chose : devenir comme eux, devenir l'un d'eux...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avant que Le journal de Spirou ne le révèle et lui ouvre les portes de la BD qui s'étaient refermées sur lui bien des années avant, Vincent Zabus a été prof de français. Aujourd'hui, il est acteur de théâtre le soir et écrit ses scénarios le jour. Si on met cet élément de sa biographie en avant, c'est qu'Autopsie d'un imposteur est une BD qui contient sans aucun doute possible bien des éléments qui reflètent la passion de l'auteur. Certes, cette histoire fait appel à la sociologie, en décrivant en creux la société belge de la fin des années 50, marquée par l'émancipation économique mais aussi l'ostracisme que les bourgeois pratiquent à l'égard de ceux qui sont nés pauvres, mais ce qui marquera le lecteur, ce sont les dialogues qu'échangent par intermittence le personnage principal et le narrateur, dont la voix off incarne les mœurs de l'époque et la morale ! Une figure de style, un procédé d'écriture peu présents dans les BD mais qui emprunte à la littérature. Cette dernière est encore plus présente à travers la figure d'Albert Camus, constamment cité par un autre personnage qui épouse le rôle du tentateur auprès de notre jeune étudiant à l'ambition dévorante. Albert, c'est le prénom du tentateur, a également quelque chose de théâtral et finalement, si l'histoire de Louis Dansart comporte sa part de drame, sa personnalité et les actes qu'il pose font de lui un personnage tragique. On ne vous dévoilera bien évidemment pas ce qui fait de lui un imposteur ni le sens qu'épouse ici cet adjectif (cela ferait de nous d'incontestables imposteurs) mais on peut tout de même aussi vous dire que l'histoire de Louis Dansart ressemble à une triste fable... et qu'on y voit aussi, forcément, une autre référence à la littérature. Peut-être y a-t-il également un peu de Kafka et sa Métamorphose dans les cènes où Louis frôle la folie à cause du complexe qu'il entretient avec ses origines sociales? Pour illustrer son propos, Vincent Zabus s'entoure, une fois de plus, d'un «vieux» complice, puisque le tandem qu'il forme avec Thomas Campi remonte désormais à plus de 10 ans et qu'Autopsie d'un imposteur marque leur sixième collaboration. On ne peut que s'en réjouir car le dessin élégant et la douceur des couleurs sont le contrepoint parfait de cette histoire cruelle, immorale et violente. Foncez, car ce livre est strictement l'opposé d'une imposture !