L'histoire :
C'est un récit vécu, une plongée d'un an dans l'une des pires dictatures du monde. Guy Delisle, l'auteur, accompagne son épouse lors d'une mission pour Médecins Sans Frontière. Il s'occupe de son fils et exerce son métier de dessinateur. Sa vie au milieu des expatriés et des autochtones donne naissance à cet album qui nous décrit la vie à Rangoon au travers de nombreuse anecdotes. Nous rencontrons Guy, Nadège et Louis à l'aéroport et nous les quitterons un an plus tard, quand MSF décidera de renoncer à sa mission, faute d'obtenir les autorisations nécessaires. La chronique est remplie de détails centrés sur la vie quotidienne de la famille : comment faire une zone de jeu pour son fils avec des valises, comment Louis est admiré par les birmans, les bagages énormes nécessaires pour les couches, comment vivre dans une chaleur étouffante, la quête d'une bouteille d'encre de Chine... La description de la situation ubuesque du pays n'est jamais loin : les règles surprenantes pour obtenir un simple ordinateur sont parfaitement décrites.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si, compte tenu de l'actualité politique brulante du pays, vous vous attendiez à une critique exhaustive d’un régime détestable, passez votre chemin. La date de la parution de cet ouvrage est complètement anecdotique : le séjour a duré une année et la réalisation de presque 300 pages de BD prend un certain temps. Non, l'objet de ce livre est le voyage et le vécu de son auteur dans ce pays. Cela n'empêche nullement de recourir à de nombreuses digressions sur la dictature en place. Ainsi, il y a une page pleine d'intelligence sur le positionnement des poches des chemises des militaires qui descendent avec le grade, pour permettre l'étalage des médailles. L'atmosphère délétère de Rangoon est parfaitement rendue par l'histoire d'une des « élèves » de l’auteur dans son son groupe d'animation. Guy Delisle n'en fait pas plus sur ce thème : il parle d'abord de lui dans cet ouvrage, des petits riens qui font une vie et qui deviennent souvent problématiques dans un pays étranger, de son ennui parfois. Il met en place dans ces Chroniques Birmanes une très jolie narration avec un style et une forme parfaitement maitrisée, précise et pleine de malice. L’évocation du sujet provoquera sûrement chez certains lecteurs l'attente de prise de positions plus fortement marquée, ceux là seront déçus. Cette possible incompréhension écartée, ce livre ne vous décevra pas.