L'histoire :
Dans un décor aride, un officier, un soldat, un prisonnier et un visiteur discutent. Le gradé dévoile au témoin la complexité du monde tel qu’il était, avant l’invention géniale de son regretté ancien commandant. Cette petite révolution est une machine, destinée à torturer ses victimes de longues heures avant que celles-ci ne meurent. L’officier explique être la personne la plus importante : il a le droit de juger qui bon lui semble et d’appliquer la sentence allant de pair. Le visiteur l’interpelle néanmoins pour savoir si un tribunal a jugé ladite affaire qui les préoccupe. Le gradé rétorque qu’il est le seul conseil à être écouté. Il demande au soldat de préparer le prisonnier à la machine. Celui-ci est entièrement dénudé avant d’être sanglé à plat ventre à la machine, sur un lit de coton. Un autre morceau de coton, énorme, lui est engouffré dans la bouche pour l’empêche de hurler. Un bruit sourd résonne et l’officier annonce que la session dure en général 12 heures. Pendant ce laps de temps, de nombreux pics vont s’enfoncer dans le corps du prisonnier et graver sur son dos sa sentence, jusqu’à ce que mort s’ensuive…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La collection Ex Libris dirigée par Jean-David Morvan s’enrichit d’un titre passionnant, adapté de la nouvelle éponyme de Franz Kafka. Ce livre paru originellement en 1919 fait partie d’une œuvre étonnante et incontournable, au sein de la laquelle le cauchemar de l’individu est souvent lié à l’impersonnalité croissante de la société. Cette nouvelle n’échappe pas à la règle. L’adaptation de Sylvain Ricard (Guerres civiles, aux côtés de… Morvan, tiens tiens…) a du être particulièrement délicate. Mais elle est réussie, car le profond malaise qu’on éprouve au contact de cette ambiance étrange est parfaitement palpable à la lecture de l’album. Les non-dits, le grotesque et la folie des personnages prennent une ampleur assez extravagante et amènent à se poser quelques réflexions bien senties. Le scénariste retrouve son partenaire des Rêves de Milton, Maël, au dessin donc. L’union des deux fonctionne une nouvelle fois très bien. Le travail de Maël est étonnant : il s’agit de mettre en relief une longue conversation dans un décor unique et pour le moins dépouillé. Le découpage est donc travaillé et son trait tremblotant, ainsi qu’une palette réduite de couleurs dérangeantes (par Albertine Ralenti), renforcent idéalement la sensation de nausée. A titre et auteurs atypiques, cette adaptation en BD ne l’est pas moins et fait montre d’une qualité étonnante. A lire !