L'histoire :
Jeune adulte, Sam vit dans un appart avec sa mère, dans un quartier chaud de banlieue. Il ne fait pas grand-chose de ses journées, à part jouer des poings dans le RER pour imposer le racket de ses potes, ou rétamer les renois (noirs) du bloc B, parce qu’ils ont sifflé au passage de sa meuf. De temps en temps, il aide aussi au trafic de stup’ organisé par Modi. Modi, lui, est du genre businessman et intello : en compagnie de son pote Gregory, il organise la distribution de shit et suit vaguement en parallèle des études à Science Po. Or le contexte est compliqué, car son frangin Youssouf a une nouvelle ambition : faire dans la « dure ». C’est plus risqué, notamment parce que ça va empiéter sur le marché d’autres dealers, qui ne vont pas apprécier, mais ça rapporte aussi bien plus. Modi fait un voyage en TGV jusque Marseille pour tester la marchandise et valider le rapatriement en go fast jusqu’en région parisienne. De temps en temps, il rend visite à son troisième frère, Bendiougou, qui lui est en cabane. Il a flambé, il s’est logiquement fait pécho. Les relations entre les frangins sont tendues, notamment parce que Bendiougou veut continuer à peser en continuant d’organiser un max de choses depuis sa cellule…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour les gros boloss de plus de 25 ans, « En falsh » n’est pas une faute d’orthographe. Dans « les quartiers » où s’épanouit de luxuriante manière l’argot contemporain, l’expression s’applique à une affaire discrète et plutôt hors la loi. Pour être précis, il s’agit ici de l’organisation de la distribution de drogue (shit et coke) dans un quartier de banlieue délaissé par les pouvoirs publics et l’Etat de Droit. Tels des acteurs infiltrés dans un gang, nous suivons les caïds, les violents, les petites mains, les « nourrices » et autres « mules » dans leurs organisations familiales et « professionnelles ». Inspiré par sa jeunesse dans le milieu, Oz livre un scénario extrêmement réaliste, jusque dans les séquences de désœuvrement et le creux des dialogues. La pauvreté du vocabulaire n’a d’égale que l’inventivité de l’argot, tantôt avec l’emploi d’expressions toutes faites qui veulent tout et rien dire (« On est là ») ou l’utilisation abusive et caricaturale du verlan (« Y’a sonneper »). Il y a certes une intrigue et des tensions façon thriller, mais Oz se livre plus à une étude de sociologie qu’à une chronique des stup’. Il cerne et retranscrit admirablement les codes sociaux en vigueur, qui sembleront absurdes au sein d’autres milieux : par la manière de se toiser avec mépris et nonchalance, ou de considérer l’agression verbale ou physique comme une marque de respect. En miroir, le scénariste n’oublie pas de donner voie au chapitre aux pouvoirs publics, avec des focus réguliers sur la campagne municipale en cours, une candidate mise en face de ses illusions et des débats de politicards sur la dépénalisation. Cette « fiction documentée » qui « décrypte les mécanismes d’interactions sociales de la banlieue française » (tel est le pitch en 4ème de couv) est finement mise en scène par Bastien Sanchez selon un dessin réaliste noir/blanc/gris raffiné, tant dans l’inventivité des angles de vue, le dynamisme des mouvements ou les postures corporelles, qui agissent comme un langage.