L'histoire :
Nous sommes en 1518 et la ville de Strasbourg est touchée par une terrible famine. Les parents doivent renoncer à leurs nouveaux-nés qu'ils ne pourront pas nourrir, de la plus terrible des manières, du haut du Pont du Corbeau. Enneline, la femme du graveur Troffea fait partie de ces mères qui ont commis l'irréparable. D'autres se sont trouvés réduits à manger des restes humains, tous sont abattus d'avoir sombré de cette façon. La jeune mère est la première qui sera atteinte d'une réaction inexplicable. Un battement de pieds irrépressible, la force de se relever de la chaise où elle était restée assise et abattue. Quelques instants plus tard, elle danse sur la place devant sa maison, sous les yeux stupéfaits de son mari, avant d'être rejointe par un voisin lui aussi acculé au désespoir. Très vite, ce sont des centaines d'habitants qui vont participer à ce ballet fou, incapables de s'arrêter. Les autorités désemparées vont chercher des solutions, pragmatiques ou à dimension religieuse, à ce vent de folie.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il faut la folie de Jean Teulé combinée à l'énergie de Richard Guérineau pour que l'épidémie de danse qui s'empare de la ville de Strasbourg dans ces quelques jours au début du XVIème siècle semble presque réelle. Car pendant toute la lecture de l'album, on se demande pourquoi l'auteur de roman à l'origine de cette histoire est allé inventer ça... avant de lire que ces faits se sont réellement produits ! Des strasbourgeois meurtris par la famine ont réellement dansé dans les rues de la ville, pris d'une folie encore partiellement inexpliquée. Bien entendu, les personnages créés par le dessinateur font probablement preuve d'un délire plus visuel que les vraies victimes de cette étrange épidémie du désespoir. Il choisit, en outre, un style moins réaliste que dans les séries qui l'ont rendu célèbre, ce qui accentue la dimension onirique de ce récit étonnant. Son trait est cela dit totalement maîtrisé, ses couleurs volontiers chatoyantes contrastent avec le drame profond qu'il met en scène et accentuent elles aussi l'incrédulité du lecteur. La fuite en avant des autorités désemparées combinée à la peur qui s'empare du pouvoir religieux resituent petit à petit le récit dans son contexte historique. Le protestantisme commence à toucher les esprits, annonciateur d'un déferlement de violence proche. Un beau travail d'adaptation où la patte de l'auteur est rendue perceptible à travers une interprétation néanmoins très personnelle.