L'histoire :
Un énorme convoi funéraire s'élance sur un sentier escarpé à flanc de falaise pour regagner le village en haut de cette montagne, et surtout, pour déposer le corps du défunt prince au palais des dieux. Tandis que tout le monde est occupé à atteindre sain et sauf sa destination, une jeune femme nommée Eurydice s'éclipse. Cachée dans le recoin d'un rocher, elle se dévêtit. Elle retire sa tenue sombre, pour n'être plus qu'en sous-vêtements. Alors qu'elle s'apprête à marcher dans le désert, elle entend une voix d'homme qui l'interpelle et qui lui dit qu'il n'y a rien dans cette direction. Elle se retourne. Le garçon devant elle s'appelle Orphée. Il vit dans le village au sommet de la montagne, il connaît bien les lieux. Et il sait aussi que si elle s'aventure plus loin vêtue de la sorte, elle se fera tout de suite repérée. Ici, tout le monde s'habille avec du papier. Il lui tend sa veste. La jeune fille lui confie qu'elle ne veut pas retourner au convoi. Alors Orphée lui propose de le suivre et il l'emmène chez lui. Dans cette cité, les hommes et les femmes vivent grâce aux ambitions des plus riches, qui paient pour côtoyer le divin et le sacré. Eurydice découvre avec émerveillement ce lieu. Orphée vit avec sa sœur, Calliopé, mais elle n'est pas là pour le moment. Elle est occupée avec l'un de ses riches amants, et elle entend d'ailleurs le signal : un convoi vient d'arriver. Elle n'a pas une minute à perdre. Elle a besoin d'argent. Or pour elle et sa troupe de danseurs, c'est une opportunité rêvée de gagner quelques sous.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec Eurydice, la dessinatrice Solen Guivre signe sa première bande dessinée. Graphiquement, elle propose un monde à part entière, travaillé, avec une esthétique très numérique. Elle met en images le scénario de Lou Lubie. L'autrice précise d'ailleurs en fin d'album qu'elle avait cette idée d'histoire en tête depuis l'âge de ses 17 ans, et que les années lui ont permis de faire mûrir le projet. Mais c'est surtout sa rencontre avec la dessinatrice qui a pu rendre concrète sa mise en œuvre. Les deux femmes revisitent ainsi le mythe d'Orphée et d'Eurydice, tout en incluant une dimension mythologique plus large. Avoir des connaissances sur les mythes permet d'avoir des références, sur le caractère de personnages notamment. C'est un réel avantage, mais cela n'empêche en rien une lecture plaisir, sans saisir tous les clins d'œil et les inspirations. Le scénario nous plonge instantanément au centre de l'histoire. Comme chaque protagoniste, nous n'avons pas tous les éléments en main au début pour comprendre parfaitement l'environnement dans lequel ils évoluent. Tout comme Eurydice qui découvre cette cité. Puis petit à petit, nous comprenons le mode de fonctionnement de cette cité et les problématiques qui en découlent. Car c'est une cité de papier... Où se cachent la vérité et le mensonge ? Qu'est-ce qui relève du factice ? A travers un décor mythologique, les autrices nous questionnent sur des problématiques profondément ancrées dans le réel et notre époque. Comment les diktats de beauté régissent-ils le monde ? Comment pouvons-nous, à notre échelle, contredire des choses qui, à plus grande échelle, ne sont pas en accord avec nos convictions ? Les mythes nous permettent-ils de surmonter notre existence de simples mortels ?
