L'histoire :
Février 1908, savane du Sud-Ouest africain – M. le Premier ministre des Colonies Dernburg accompagné du célèbre industriel Rathenau sont reçus par le nouveau gouverneur délégué, M. von Schuckmann. Il est un fait connu à Berlin que près des quatre cinquièmes des herero ont disparu. Ses prédécesseurs et notamment Göring et von Trotha n’ont pas été tendres avec les indigènes dont la mortalité n’a fait que croître. En Allemagne, leur survie préoccupe mais la question du métissage a été soulevée par l’anthropologiste, M. Eugen Fischer. Le savant y voit un danger majeur pour la survie de la race allemande. De jeunes filles de bonnes familles ne rougissent plus d’entretenir des relations épistolaires avec des nègres. Des trompettes nègres ont intégré les corps de l’armée. On parle d’un commissaire de l’indigénat pour les représenter aux conseils ! S’il faut sans conteste préserver les herero pour l’avenir financier des colonies du Sud-Ouest, il faut se garder de tout mélange hasardeux. La découverte d’un gisement diamantifère récemment y pourvoira… Mai 1908, Berlin – La réussite du chimiste Haber relative à la production d’ammoniaque liquide attire l’attention du directoire de la BASF, intéressée par une découverte qui lui ouvrirait les portes juteuses du marché militaire…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le premier tome nous avait mis une claque, le second nous remet la même et en plus fort, s’il vous plaît ! Pour parodier une publicité bien connue (et prendre l’album à revers), c’est le deuxième effet « Kiss Cool » et il décoiffe, s’il vous plaît ! Blague à part, Fritz Haber (pour le moment) un diptyque tout ce qu’il a de plus sérieux, un masterpiece du neuvième art. La puissance figurative demeure toujours d’actualité avec des planches photographiques jaunies, volontairement floutées mais chaque fois impeccable de vérité. Bien qu’édité dans la collection Mirages, le titre est tout sauf un raté : il est criant donc de vérité ! Quelle est la part d’historicité dans le récit proposé ? Poser la question paraît outrageux. A lire les citations accumulées (d’une interview au Daily Telegraph du Kaiser Guillaume jusqu’à l’Historien Polybe qui dissertait au IIe s. av. notre ère sur la grandeur romaine), les personnages ressuscités ou les cadres d’évolution choisis, on ne remarque pas une fausse note. L’Histoire se déroule sous vos yeux. Le travail de documentation a dû être colossal tellement l’auteur nous apprend à chaque page d’avantage, de l’industrieux Carl Bosch dont on ventera (et/ou raillera) le « travail de pro » jusqu’à l’ignominie « homosexuelle » qualifiée par un certain Harden. Les problématiques abordées sont toutes existentielles et pourtant passionnantes : l’avant-guerre bien sûr mais aussi la question nationaliste et raciale, l’eugénisme sous jacent ou encore la naissance prochaine de l’Etat d’Israël (avec cette épine déjà soulevée en 1904 par Israël Zangwill lui-même que « la Palestine compte déjà de nombreux habitants qu’il faudra donc soit expulser soit faire face (…) p.93). Thomas Carlyle nous dit en prélude que l’histoire du monde est celle de ses héros ; celle de la bande dessinée y compte un nouveau numéro. Bien que datée, cette fresque demeure d’une modernité étourdissante. Profondeur scénaristique et puissance graphique, que demandez de plus en bande dessinée ? Monumental. Merci M. Vandermeulen.