L'histoire :
En 1730, le chevalier Despentes, ornithologue à l’académie des sciences de Paris, se rend sur l’île de la Réunion – alors baptisée île Bourbon – dans l’espoir de mettre la main sur le fameux dodo, une espèce soi-disant éteinte. Il est accompagné de son assistant Raphaël, plus fasciné par les histoires de pirates et par l’utopie que représente la flibuste, que par les volatiles. En arrivant, Despentes se réjouit d’éviter les mondanités du gouverneur, trop occupé par ses fonctions pour les accueillir avec les usages. A peine débarqué, il organise une expédition et part explorer une région sauvage de l’île. La longue marche qui s’ensuit permet au jeune Raphaël de se nourrir des récits de ses guides. Il apprend ainsi que « la Buse », le tout dernier pirate sévissant au large de l’île vient juste d’être capturé par Dhermitte, un capitaine négrier. Enfermé dans les geôles de Saint-Denis, cet ennemi juré du gouverneur et des planteurs (d’anciens pirates amnistiés, pour la plupart) doit être pendu très prochainement. Mais à l’intérieur des terres, les « marrons », des esclaves réfugiés dans les montagnes, entendent bien réagir…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ceux qui s’attendent à vivre une aventure épique avec force abordages, trésors enfouis et duels à l’épée, risquent d’être déçus : Île Bourbon 1730 est une non-histoire de pirates. Ou plutôt, il s’agit d’une photographie de l’île de la Réunion (le nom officiel de l’île Bourbon depuis 1848), d’un éclairage historique à l’instant T qui vit la fin de la piraterie dans ses eaux. Si le mythe de la flibuste est omniprésent, de part l’imaginaire trépidant qu’il suscite, les acteurs du récit ne font qu’en évoquer les fastes passés et l’inéluctable déclin présent. Le choix original de cette époque charnière, et le faux-rythme qui en est issu, font tout le sel de l’ouvrage. Le scénariste et professeur de lettres Appollo semble donc avoir fait de son île d’adoption son sujet de prédilection (La grippe coloniale, Fantômes blancs…). Evidemment, personne n’était mieux placé que lui, pour réussir à passionner sur un tel sujet. Avec audace, il a confié l’illustration de cette « littérature dessinée » à son ami Lewis Trondheim, président du festival d’Angoulême 2006 (date à laquelle sort l’ouvrage). Fer-de-lance de la « nouvelle bande-dessinée », ce dernier proclame et prouve régulièrement qu’il n’est nul besoin de dessiner comme un dieu pour faire une bonne BD. Auto-édité au sein de sa collection Shampooing, Trondheim illustre une nouvelle fois cette conception de la BD en accordant toute sa crédibilité à un sujet difficile, à l’aide personnages zoomorphiques dessinés en 3-4 coups de crayons. Il faut pourtant affronter une certaine fatigue oculaire, à la longue (275 planches tout de même !), dans le déchiffrage de ces cases fouillis en noir et blanc (notamment celle où les personnages évoluent au milieu de la végétation). Un ouvrage consistant, atypique et intéressant, mais frustrant…