L'histoire :
Certes, les ordinateurs ont battu les plus grands champions d'échec, mais l'intelligence se mesure aussi à la capacité de faire un sandwich. C'est sur ces propos amusants que s'ouvre un débat télévisé autour de l'intelligence artificielle, et qui se poursuit dans le domaine de l'art. On apprend que le deep learning consiste à faire digérer à des ordinateurs tous les détails de l'œuvre d'un artiste, peintre ou écrivain par exemple, et de voir ce que cette machine pourrait restituer. Pourrait-on ainsi créer un nouveau Leonard de Vinci, ou écrire la suite des Misérables ? Pourrait-on un jour devenir incapables de déceler la différence entre un auteur authentique et son double surdoué. On imagine que, peut-être, dans quelques années, l'un des candidats d'une émission télé de jeunes talents pourrait être une créature virtuelle, qui improvise selon des codes qu'elle aurait appris mieux que personne. On pénètre alors dans les secrets de la conception de Yurie, personnage imaginé par des développeurs audacieux, dans le but d'intervenir sur les réseaux sociaux. On plonge dans les projets que, peut-être, les progrès de l'Intelligence Artificielle vont nous amener à concevoir, portés par des techniques mathématiques au pouvoir décuplé par la capacité de calcul des machines actuelles.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Parmi la grande quantité de bandes dessinées de vulgarisation disponibles, cet album se distingue par une forme de résistance à la simplification qui honore ses auteurs. La manière de décrire le processus qui permet aux machines d'apprendre est assez bluffante, en même temps qu'elle risque de larguer les lecteurs qui n'auraient pas un petit peu la fibre mathématique. Une sorte de point culminant est atteint en page 55, lorsqu'on nous explique que la structuration vectorielle des méthodes de recherche permet d'aller plus vite à la solution. Si vous passez cette page, vous avez gagné ! Et vous pourrez apprécier les quelque 150 qui restent, et donnent des informations vraiment passionnantes sur la manière dont un ordinateur peut apprendre en digérant des tonnes de données. Les auteurs prennent soin de nous rappeler que les cerveaux artificiels n'inventent rien, mais renvoient des réponses qui dépendent strictement de la manière dont on les a programmés. Les digressions éthiques sont salutaires, les moments de poésie étrange nous font sourire, et au final on a moins peur. C'est une belle performance, un résultat atteint sans polémique, et où la passion tout comme la compétence des scénaristes transparaît. Avec son dessin très simpliste – et quelques difficultés à dessiner des chats qui ressemblent à des chats – Héloise Chochois se met au service de cet ouvrage complexe, et s'en sort pas mal du tout. Certes, cet album touche l'écueil fréquent de la difficulté d'utiliser le langage du neuvième art pour parler de science, et aucun miracle ne se produit sur ce plan. Mais sa lecture est vraiment instructive. Et on se dit que la même équipe, un soir autour d'un verre, ça doit être vraiment génial.
