L'histoire :
Plus ennuyeux que les jordaniens au volant, impossible. Ils sont persuadés que c’est l’enfer de circuler à Amman, mais franchement ils n’ont pas idée… Intisar aimerait les voir au Yémen. Ici, quand une femme double un homme, il ne prend même pas la mouche. Cela fait au moins deux mois qu’Intisar n’a pas fait la course, elle a le sentiment de se faire vieille. Quand elle a acheté sa Kia d’occasion, son frère lui a demandé si elle l’aimait mieux que sa bonne vieille Corolla. Au lieu du lui parler de suspension, de l’adhérence ou du sous-virage, elle s’est retrouvée à lui faire l’article sur le toit ouvrant. Intisar adore sa voiture, avec tous ses gadgets comme les rétros électriques ou encore les sièges chauffants pour faire des blagues. Le must, c’est tout de même le verrouillage automatique. Dans le fond, ce qu’elle aime dans cette voiture, c’est qu’elle lui appartienne et qu’elle l’emmène où elle veut et quand elle veut… Elle aimerait tant revoir un coucher de soleil dans son pays, le Yémen.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cet album est la suite de La voiture d’Intisar paru en 2013. Intisar est une infirmière Yéménite, une femme moderne, qui s’est exilée en Jordanie pour fuir les bombardements saoudiens. Cette jeune femme dresse le tableau d’une situation très instable dans son pays. Après le printemps arabe, l’islam salafiste s’est emparé du vide politique pour y imposer ses règles. Cette radicalisation a rendu la vie des habitants insupportable, surtout pour les femmes. Intisar n’accuse pas la religion, mais la manière dont elle est détournée et instrumentalisée par les hommes. La jeune infirmière est à sa manière une résistante et son caractère affirmé est un atout pour faire face aux hommes et à leur autorité. La seconde partie de cet ouvrage est davantage consacrée aux conflits des clans yéménites qui déstabilisent le pays, ainsi que les manœuvres militaires de l’Arabie Saoudite qui ne cesse de pilonner ce pays pour pouvoir servir ses intérêts. L’exposé des différents enjeux est réalisé de manière assez simple et permet cependant d’avoir une représentation de la complexité de la situation. Cet album est riche en enseignements sur une situation qui est peu traitée par les médias occidentaux. La narration est percutante, car on ne peut être indifférent au vécu de cette jeune femme battante qui aime son pays et qui exprime sa colère en faisant le constat de ce qu’il est devenu en quelques années. Une tension permanente est perceptible tout au long de ce récit. Au dessin, Nacho Casanova, qui avait illustré le premier opus, a laissé la place à Sagar. Le choix graphique est radicalement différent. C’est désormais un dessin semi-réaliste bien maîtrisé, stable et en couleurs.