L'histoire :
Immobile, couché sur le ventre, la jambe brisée, Martial souffre… Il pleure en regardant les gendarmes qui l’entourent. Il pleure en écoutant le médecin dénombrer les victimes. Il pleure en recomptant les 18 cartouches qu’il a tirées. Mais s’il sanglote, c’est uniquement parce que son tibia cassé lui fait mal. Martial a commis le pire en tirant. Et s’il vient de sauter dans le vide, c’est parce qu’il a oublié de garder une dernière munition pour lui. C’est un jour de mariage à Mortagne. Un jour de carnage pour une journée de fête. Il faut dire qu’une fête dans ce village, on n’a jamais trop compris ce que c’était. Ici, c’est avant tout ceux de la scierie Listrac et ceux des vignes du Château Clément. On travaille pour l’un ou pour l’autre, de père en fils. On se transmet génétiquement la haine des uns pour les autres depuis plusieurs générations. Chaque occasion de faire la fête se termine en bataille rangée. Arnaud, le frère de Martial, et Fredo, le contremaitre, sont les meneurs du côté de ceux de la scierie. Arnaud a pour l’instant réussi à échapper aux foudres de la justice, mais il s’en est fallu de peu et c’est finalement Fredo qui a écopé de 4 mois. Martial ne veut appartenir à aucun camp. Il se trouve en bonne compagnie lorsqu’il fait un bout de chemin avec Terence, le simplet du village, pour laquel ceux des vignes ou de la scierie ont la même inhumanité. Un soir, pour célébrer le retour de Fredo, Arnaud l’accompagne devant chez Terence avec un pack de bières. Le début de la fin…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
2009 nous ouvre à peine ses portes qu’Alfred nous assène notre première gifle. Mais feindre la surprise serait malhonnête… A l’annonce de cette nouvelle production, c’est tout juste si on ne tendait pas la joue, attendant, comme il l’avait déjà fait avec l’époustouflant Pourquoi j’ai tué Pierre, la correction. L’objet du délit est une adaptation du roman coup de poing de Guillaume Guéraud qui, à travers le geste irraisonné d’un ado, met en place une chronique acide de la haine ordinaire qui s’engouffre dans les petites ruelles d’un village du Médoc. Le moins que l’on puisse dire c’est que l’adaptation est parfaitement réussie, tant elle donne envie de nous jeter sur le roman. Alfred ne dénature en rien l’œuvre originale, recherchant perpétuellement à retranscrire les émotions que lui avait procurées la lecture de l’ouvrage de son ami. Il utilise le même procédé narratif judicieux : un fait divers sanglant, dont on remonte à la source en un flashback dense, rythmé par une voix off calme (celle de l’auteur des coups de feu), comme éloignée de l’action, en parfaite opposition à la violence du propos. Le trait encore plus brutal qu’à l’accoutumé (au crayon Bic, sans crayonné, sur du papier de mauvaise qualité) que nous impose Alfred, imprime une tension, voire un bourdonnement de plus en plus assourdissant, qui nous oblige à avaler cette lecture d’un trait. Très intelligemment, le dessinateur ne nous montre jamais l’insupportable, laissant la voix off posée faire le boulot : pas question de surenchérir. Au final, un album bouleversant de sensibilité qui offre la désagréable surprise de se satisfaire de l’impardonnable geste de cet adolescent… A ne pas manquer.