L'histoire :
D'Artagnan retrouve ses anciens amis Portau et Aramitz, tandis qu'Antoine, le jeune émissaire du roi de France, établit les bases d'une alliance avec les Anglais. Depuis l'assassinat du jeune Louis XIV, à peine âgé de quatorze ans, il s'est passé plus de vingt ans, et le royaume de France a été réduit à presque rien. Les Espagnols, soutenus par le Duc de Condé, ont installé leur domination sur le sud du pays, le siège de la Rochelle a fait fuir de nombreux protestants. Les bases de l'accord sont claires : les anglais et leur marine vont empêcher les espagnols de prendre le contrôle de la Manche pendant que Fouquet et les troupes loyalistes défendront Paris. Mais du côté des assaillants, l'alliance avec Armand de Bourbon Conti modifie les enjeux. Alors que Condé voulait protéger le couple royal tout en prenant le contrôle de Paris, le Duc de Bourgogne et de Provence veut punir le roi qu'il qualifie de sodomite, et il met au point un plan pour l'assassiner. Lorsque la nouvelle est révélée, D'Artagnan et ses acolytes anciens mousquetaires du roi décident de foncer vers la capitale pour assurer sa protection. Les forces en présence se mettent en branle, une bataille navale se déclenche au large du Havre. Les portes de Paris sont attaquées par les troupes de Condé, mais les protecteurs du roi ne sont pas encore arrivés.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jean-Pierre Pécau et Fred Duval, les maîtres absolus de l'uchronie approfondie, poursuivent leur exploration d'un passé qui aurait vu Louis XIV assassiné avant de régner, et son frère cadet, homosexuel assumé, régner sur un tout petit morceau de France. Les personnages historiques jouent un rôle différent, mais les grandes rivalités de l'histoire sont toujours présentes, ainsi que les familles royales de cette partie de l'Europe. On se laisse complètement prendre dans cette logique, une fois que l'évènement initiateur a eu lieu. C'était dans le tome précédent, le 38ème tome de Jour J. Comme toujours, les auteurs tentent de dépasser leur idée de départ et de se centrer sur un ou plusieurs personnages clés ; ici les mousquetaires vieillissants. Avec un peu de concentration, l'histoire tient non seulement bien la route, mais elle est agréable à lire et donne une idée de la manière dont un assassinat au milieu de la nuit aurait pu bouleverser l'histoire de notre continent. C'est le principe de l'uchronie me direz-vous, certes. Mais c'est mené ici avec la jouissance patente d'ébranler les piliers de notre patrimoine historique et littéraire. Le dessinateur Vladimir Aleksic fournit des pages détaillées, de belles vues des villes assiégées, et des personnages aux visages solides et constants. Son duo avec Nuria Sayago aux couleurs est d'une lisibilité irréprochable, tout comme le découpage de cette histoire malgré tout complexe. Une très bonne livraison de Jour J, qui justifie tout à fait sa publication en deux tomes. Mine de rien, cette série grand-public exigeante fête déjà son quarantième album, et en annonce de nombreux à venir.