L'histoire :
En cette année 1937, la guerre civile espagnole prend une tournure décisive. L'opération Lusitania a été un succès. Les troupes allemandes quittent les zones de conflit, des interventions militaires françaises ont été déterminante. Mais Salvador Dali est kidnappé dans la maison où il réside avec Gala, sa compagne et muse. Elle assiste impuissante au départ en trombe d’une Packard noire, avec le peintre inconscient dans le coffre. En parallèle, les hommes de Moscou sur place voient dans la situation de conflit une occasion unique de réaliser un projet secret : assassiner Trotski. C'est le général Lev Nikolski, alias Orlov, dont Trotski connait la réputation, qui va dérouler les premières étapes du plan : une rencontre en tête à tête au cours de laquelle il évoquera la possibilité de mettre la main sur une énorme quantité d'or des réserves de l’état, au nez et à la barbe de la république espagnole. Des rivalités au sein de la révolution russe à la démocratie en Europe, tout va prendre un chemin différent grâce à l’intervention de Salvador Dali. Qui d’ailleurs a dessiné un homard dans le coffre de la Packard noire...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On n'a pas fini de découvrir les conséquences historiques totalement bouleversantes de la réaction de Salvador Dali à l'exécution de Federico Garcia Lorca. Le peintre halluciné, obsédé par la figure du homard, reste au centre de l'Histoire réinventée. Mais autour de lui, viennent graviter la montée du chancelier Hitler, la rivalité entre Staline et Trotski, et l'allégeance de partis et de syndicats européens envers Moscou à la fin des années trente. C'est foisonnant, bourré de personnages historiques de l'époque dans les rôles principaux, avec en plus des clins d'œil esquissés, notamment à celui qui sera l'assassin de Trotski dans l'Histoire vraie (si l'on peut dire), en 1940 à Mexico. En plus de Dali, c'est Alexandre Orlov qui tient un rôle central, l'agent soviétique au cœur de la République espagnole, surveillant l'évolution des partis frères et assurant le nettoyage des opposants. On gagne d'ailleurs beaucoup à relire cet album après être allé consulter la bio de tous ces noms inconnus du grand public, pour mieux apprécier ce que les scénaristes Duval & Pécau (deux noms associés qui sonnent comme une garantie de qualité) ont conservé de leur vrai destin au milieu de cette re-création historique. Tous ces coups bas se déroulent sous le trait hyper réaliste de Renato Arlem, qui travaille énormément d'après photos, au point de laisser ses protagonistes dans des positions parfois un peu raides, ou d'ajouter des lignes de mouvement pas forcément nécessaires. On aurait aimé qu'il se lâche un peu plus et se sente moins prisonnier des portraits nécessaires (Trostki doit ressembler à Trotski), même si l'ensemble est très riche et plastiquement irréprochable. Ce double album n'est pas le plus simple des Jour J, mais encore fois le twist historique est assez passionnant. Il nous rappelle à quel point de petites choses auraient changer radicalement la face du monde.