L'histoire :
Saul Karoo est script doctor à Hollywood, un personnage que les producteurs emploient pour donner à des projets de films de quoi plaire au public. Le dernier travail qu’il se voit confié est de remanier le dernier film d’Arthur Houseman, un géant du cinéma désormais âgé de plus de quatre-vingts ans, mais dont le récent travail est, selon son producteur, une daube qui ne marchera pas. Jay lui demande de le couper, de le modifier, de le transformer pour en faire un chef d’œuvre digne de l’histoire de son réalisateur. Mais ses pensées, au lendemain d’une soirée mondaine où il a bu vodka sur vodka, sont accaparées par la présence de son fils Billy, un jeune homme d’une vingtaine d’années avec qui il n’est jamais parvenu à communiquer. Son ex-femme le lui reproche constamment, tandis que Billy est sans arrêt sur les traces de son père sans pouvoir l’atteindre. Mais lorsqu’il reconnait chez une serveuse de café, une actrice qui joue un second rôle dans le film qu’il doit retravailler, il se découvre une motivation nouvelle. Sa vie privée et son projet cinématographique vont se trouver transformés l’un par l’autre.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Frédéric Bézian est un des dessinateurs au trait le plus reconnaissable de la BD franco-belge. Aigu, nerveux, non consensuel et radical, il n’en est pas moins ici au service d’une narration au cordeau et d’une montée en puissance très impressionnante. Il faut quelques pages pour s’abandonner aux choix graphiques du dessinateur, ce noir et blanc sur fond orange, puis bleu puis vert, qui crée un sentiment à la fois de froideur et de modernité. Bourré de références cinématographiques explicites, l’album ne demande pas pour autant une culture colossale des grands classiques du cinéma américain. On est plongés dans la vie d’un personnage clé de l’industrie hollywoodienne, très bien incarné, qui doit redonner sens à un film que les producteurs considèrent raté. Le mélange entre ce travail et sa vie qui trouve un sens nouveau à travers une rencontre marquante est remarquablement développé par Bézian qui, en partant d’un roman à succès, construit un pur format bande-dessinée. L’expérience visuelle se transforme en expérience de lecture tout court. On hésite entre dévorer les pages et ralentir le rythme pour s’imprégner d’ambiances très spéciales. Ce nouveau livre est finalement une très bonne porte d’entrée dans l’univers de Bézian, une démonstration à la fois d’exigence personnelle et de savoir-faire implacable.