L'histoire :
En 1974, les américains sont en train de terminer leur départ de la région du sud-est asiatique, la victoire des troupes nord vietnamiennes est quasiment actée. Dans le Cambodge frontalier, ils ont encore l'espoir, à travers leur ambassadeur à Phnom Penh, de contribuer à la pacification du pays. Les troupes gouvernementales s'opposent aux Khmers Rouges qui contrôlent des pans entiers du pays et commettent d'horribles exactions. Un journaliste de la presse américaine traduit sa perplexité face à cette violence inexplicable. Mais l'occident, sous l'influence de l'affrontement idéologique qui domine en cette période de guerre froide, refuse de voir l'évidence. Séra et ses parents vivent dans la capitale encore en paix. Le jeune adolescent franco-cambodgien ne sait pas encore que, bientôt, il quittera le pays pour se réfugier en France. Il ne sait pas encore qu'il n'oubliera jamais les quelques instants banals qu'il vit ces jours-ci. Il ne comprendra pas l'aveuglement de la presse française face à un massacre annoncé. Déjà passionné par le dessin, il consacrera une partie de sa vie d'artiste à reconstruire l'histoire des derniers mois au Cambodge.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il y a tellement de ressenti personnel dans ce livre, tant de choses qui ont impacté l'histoire de l'auteur, qu'il en devient presque froid. Avec juste quelques images de son adolescence à Phnom Penh au milieu de moments historiques qui le dépassent, Séra reste d'une grande pudeur personnelle sur cette période qui a pourtant construit sa vie de manière dramatique. A la place, il laisse éclater sa colère en montrant quelques-uns des journaux français de gauche de l'époque, qui saluaient la libération du pays, quand en fait, c'est une dictature sanglante qui s'installait. Sa critique ne va pas plus loin que ces quelques images. En parallèle, il prend le temps de montrer le travail des journalistes qui tentent de suivre au plus près les évènements, mentionnant même le travail de Gérard de Villiers qui, pour écrire un des SAS, un roman d'espionnage à succès, a passé du temps sur place et a découvert des choses que beaucoup en France ne voient pas. Le style graphique de l'auteur reste fidèle à sa patte depuis plus de vingt ans. Un travail assez technique autour d'images photographiques, des plans superposés qui ont toujours une vraie densité et méritent qu'on leur consacre quelques instants d'observation. Sinon, l'album ressemble surtout à un reportage historique sur la dureté de la situation et la confusion qui règne dans le pays. Cette suite d'explications très précises sur des moments clés nous en apprend beaucoup sur le moment où ce pays a basculé dans la terreur.