L'histoire :
Mugby est une petite ville anglaise où se croisent un grand nombre de voies de chemins de fer. Cette nuit-là, alors qu’une brume inquiétante recouvre les lieux, un homme descend d’un train, portant deux grosses valises, sur lesquelles est inscrit « Barbox frères ». Sur le quai frisquet, il est seul. Il se demande ce qu’il est venu faire ici. En attendant que des porteurs se chargent de ses bagages, il noue la conversation avec le seul homme qu’il croise, celui qui s’occupe des lampes. Courtois, l’homme l’invite à se réchauffer dans son local. Le voyageur découvre qu’il écrit des chansons. Puis, une fois que les porteurs s’occupent de lui, il prend congé pour se rendre à l’auberge du Vieux Sommeil. Le lendemain, « Barbox Frères » prend le temps de découvrir la ville. Du haut d’une passerelle, contemplant ce nœud ferroviaire qui mène vers tant d’endroits, il se demande quelle voie choisir. Ce moment est l’occasion d’un bilan sur son errance et sa vie. Il repense à sa jeunesse, quand il n’était qu’un jeune et fringuant employé de chez Barbox. Il avait gravi les échelons jusqu’à devenir le patron. Il avait alors une jolie femme et un bon ami… qui un jour se sont mis ensembles et l’ont quitté. Il a alors mis la clé sous la porte et il est parti, avec ses valises…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comme ils l’avaient fait en novembre 2008 avec Scrooge, Rodolphe et Estelle Meyrand adaptent ici en un one-shot de bande dessinée un autre conte de Charles Dickens, L’embranchement de Mugby. Un homme, qu’on appelle comme se nomment ses valises, se retrouve dans cette ville au nom tout aussi bizarre, véritable nœud ferroviaire. Se pose alors à lui la question de sa destination, vu que de ce point précis, il peut aller presque partout. Une gare de triage comme métaphore d’un choix de vie : quel embranchement choisir, afin de terminer ses jours et les emplir de bonheur ? La destinée comme destination est une thématique récurrente dans de nombreux récits ; sans doute le roman originel de Dickens est-il d’ailleurs fondateur sur le registre (il fut publié en 1866) et il fait sens sur nombre de bilans personnels (crise de quarantaines et suivantes…). Le lecteur rompu n’y verra donc aucune originalité, sinon le traitement graphique qu’en dégage Estelle Meyrand, accordant aux planches le lyrisme idoine, d’une grande douceur. Les craies et crayons gras de l’artiste se mettent au service de cette belle histoire, aussi à l’aise pour rendre inquiétante l’ambiance d’un quai désaffecté et brumeux, que pour dépeindre une rue animée de Londres la veille de Noël. Un conte empli de poésie, qui a du sens…