L'histoire :
Pour une triste histoire de jalousie, Caïn a trucidé son frère Abel. A sa mort, Caïn est donc le premier humain à débarquer aux enfers, là où vont les âmes damnées qui n’accèdent pas au paradis, pour l’éternité. Il arrive dans ce territoire aride, gris et volcanique à pieds, détendu du slip, avec son gourdin attaché à la taille, pépouze. Il se fait indiquer l’entrée dans une anfractuosité par un horrible démon visqueux et cyclopéen, qui ne l’effraie pas une seconde. Un petit démon ailé le conduit direct à Lucifer, qui n’est pas tout à fait prêt à accueillir des hôtes. Caïn est le premier et il arrive un peu tôt. Qu’importe, il faut commencer par s’inscrire sur le registre. Puis Satan, qui n’a pas trop confiance en ce drôle de damné qui prend tout à la légère, l’accompagne, afin de lui faire un tour du domaine. Il essaie de l’angoisser en lui annonçant que sa condition sera désormais jonchée de tourments, de pleurs et de tortures. Mais ça n’a pas l’air d’inquiéter Caïn, qui commence par prendre appui sur le mur du Tartare… or la peinture n’est pas sèche. Alors il s’en met partout. Caïn aimerait aussi comprendre le vrai nom de son hôte : c’est Satan ou Lucifer, exactement ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’enfer, finalement, n’est pas un « endroit » si épouvantable pour passer le reste de l’éternité. Tel est le prisme philosophique que prend Caïn – oui, le fils d’Abraham qui a mythologiquement trucidé son frère Abel – lorsqu’il découvre ce territoire aride et volcanique, accompagné par un Satan désarçonné par tant d’insouciance. Dans l’objectif de rire un peu avec les enfers, Karibou présente Caïn comme un jeune gars inconséquent et guilleret, qui fait le tour du centre de vacances où il vient de poser ses valises. A travers le dessin fin et précis de Lionel Richerand, dans une bichromie de rose et de gris, le lieu n’est pourtant pas des plus réjouissant : c’est rocailleux, gris, désolé, tout pareil que la description qu’en fait Dante Alighieri dans son œuvre culte sur le sujet (et ses illustrateurs, de Botticelli aux frères Brizzi, en passant par Gustave Doré). Sur cette idée rigolote, Karibou déroule son talent pour les dialogues très contemporains, jonchés d’expressions et de vannes d’aujourd’hui. On sent la volonté de désacraliser le pire destin de la chrétienté, d’écorner la figure de Satan en le faisant passer pour un boloss. En ce sens, l’intention est plutôt fun et bienvenue. Mais l’exercice tourne parfois un peu court : bien que variés dans leurs ressorts, de nombreux « gags » moyennement inspirés font flop, par « excès de subtilité » dans le processus rhétorique. L’enfer, c’est finalement très convenu.