L'histoire :
Les attentats contre Charlie Hebdo et l'hyper kasher n'auraient-ils pas réellement provoqué une forme de miracle, qui se serait traduit par le fameux esprit du 11 janvier ? Le jour qui a vu des millions de personnes défiler dans les rues de France, pour manifester leur union face aux actes terroristes, ne regroupe-t-il pas des indices évidents de quelque chose de plus qu'une simple réaction à des actes odieux ? Fort du constat qu'il ne reste plus grand chose de cet esprit supposé, deux auteurs décident d'analyser les discours, les événements, et de partir du postulat qu'un miracle a réellement eu lieu, mais que personne ne l'a vu. Dans la couverture extraordinaire et quasi mystique du premier numéro de Charlie après les attentats, avec le fameux « tout est pardonné ». Dans les mots bouleversants de Malek Merabet, le frère du policier tué dans la rue devant les locaux du journal. Dans l'hypothèse crédible que la mort de la jeune policière Clarissa Jean Philippe le 8 janvier ait interrompu les plans d'Amedy Coulibaly contre une école juive toute proche. Mais aussi dans le foulard d'une manifestante, dans l'improbable crotte de pigeon sur l'épaule du Président de la République...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dès le printemps 2015, Serge Lehman revient sur les événements tragiques de janvier et décide d'en proposer une lecture très personnelle, cherchant dans les mots, les coïncidences et le contexte, des preuves d'une sorte de supplément d'âme. Le miracle qu'il évoque n'est pas religieux. Il est le signe d'un formidable pas en avant, qui aurait pu s'accomplir juste après les attentats. L'auteur, coutumier des scénarios rétro-futuristes, développe son propos avec une très grande pudeur, un recul frappant sur l'actualité, et une émotion toujours palpable. Le jeu profond auquel il se livre ici porte une vraie patte littéraire, que le dessinateur Gess accompagne avec une parfaite délicatesse, dans des portraits rapides en gros plan, légers et très expressifs. Ce petit livre inclassable est très prenant, même lorsqu'il évoque la coïncidence de la sortie du livre provocant de Michel Houellebecq le jour des attentats. Lehman laisse visiblement s'exprimer un ressenti profond, celui d'un homme aux yeux ouverts sur la complexité de la société dans laquelle il vit, ému ou surpris par la tournure des choses. Sa relecture remarquablement choisie des lieux et des dates touchera nécessairement les lecteurs qui gardent la mémoire de ces jours marquants. Les signes d'espoirs qu'il met en avant sont surprenants et beaux, les dernières pages du livre presque inoubliables. Un témoignage personnel très touchant.