L'histoire :
Outre la chaleur accablante de ce 4 juillet, les quelques amis rencontrés ce matin là ne font rien pour empêcher les gouttes de couler sur le front du futur papa : les « tu pourras plus… », les « ce sera fini… » ne font qu’augmenter les tensions. Mais plus de place pour reculer : c’est bien le jour J, celui qui clôt l’interminable attente de 9 mois, il faut donc sans plus attendre se présenter à la maternité. La séance de monitoring indique pourtant que ce n’est pas encore le moment pour devenir maman et papa. Les futurs parents font donc demi-tour, en attendant que Dame Nature fasse le boulot… Quelques 24 heures plus tard, le rapprochement des contractions leur fait prendre à nouveau le chemin de l’hôpital pour une très longue aventure dans laquelle se démultiplient les intervenants, les douleurs au dos de la future maman et l’attente, doublée d’un incroyable sentiment de ne servir à rien, pour le futur papa. Finalement au bout de ce marathon de 24 heures une mignonne petite crevette qu’on appelle Jeannette pointe le bout de son museau (avec l’aide d’un interne et d’une ventouse…). Reposés et comblés du bonheur d’avoir un enfant, les heureux parents affrontent, néanmoins, une angoissante information : les manipulations pour permettre à Jeannette de quitter le cocon douillet du ventre maternel ont provoqué un étirement du plexus brachial. Ce nom barbare indique que le bras droit de la petite fille est paralysé temporairement… ou définitivement.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce serait une grossière erreur que de se contenter du titre médico-(in)hospitalier de l’ouvrage ou d’un feuilletage rapide des quelques 180 pages pour refuser de rencontrer le récit de Sylvain-Moizie. A l’instar des autres titres de la collection Shampooing dirigée par le grand faiseur de bulles Lewis Trondheim, L’étirement du plexus brachial puise au plus profond de l’auteur en une incroyable résonnance avec nos propres expériences. Ici il s’agit de confronter les angoisses naturelles de parents tout neuf, accrues par la découverte d’une infirmité (temporaire ?) chez leur bébé, à l’univers si particulier des médecins, kiné, infirmiers… Le constat est cinglant : on se sent rapidement bien seuls, perdus dans un monde où les contradictions tous azimuts règnent en maitresses absolues. C’est vraisemblablement une manière d’apprendre aux jeunes naïfs aspirants-parents à prendre la mesure de leur nouvelle responsabilité. Cette idée est parfaitement transcrite dans le récit de Sylvain-Moizie dans lequel les parents de la petite Jeannette sont constamment contraints de faire des choix (les bons, dis, hein, les bons ?). On s’attache alors bien vite à la petite vie de cette nouvelle famille, en croisant avec eux les doigts pour que tout se termine bien. Seul le rythme un peu hystérique de la narration, renforcé par une bichromie parfois agressive, surprend quelque peu au début. Il s’agit peut être là d’un reste de pudeur, où une manière de nous faire partager les souffrances endurées : grossir le trait pour en rire, plutôt que de tomber dans un pathos larmoyant. Si telle était l’intention, c’est carrément loupé : la dernière planche de l’ouvrage pourrait faire glisser quelques gouttes salées sur les joues…