L'histoire :
Fin 2016, alors que les derniers jours de la campagne présidentielle américaine s’apprêtent à révéler la surprise Trump, un jeune homme prénommé Arthur, de tempérament angoissé et hypocondriaque, se met à avoir de curieux symptômes et se pose des questions existentielles. Un léger picotement dans les mains… l’impression que ses poignets se disjoignent de ses bras… Mais il y a aussi l’ombre d’un monstre titanesque qui le suit partout où il passe en ville, laissant par moment des stigmates tout à fait authentiques : de grosses griffures sur un mur, un épais tronc d’arbre mordu… Arthur se demande s’il maîtrise totalement sa vie. Lors de ses introspections, il va même jusqu’à discuter avec son moi plus jeune, qui lui donne des leçons quant à l’adulte frileux qu’il est devenu. Un soir, il rencontre une fille étonnante dans la rue. Elle s’appelle Sandrine et elle l’invite immédiatement à une soirée, à la « Quincaillerie ». Cet ancien commerce est un lieu de rencontres, d’imagination, d’expos… Un espace ouvert où les gens discutent et mettent ou remplacent des objets dans les anciens tiroirs de la boutique. Arthur est un peu décontenancé. Il l’est encore plus lorsque Sandrine lui propose d’aller chez lui pour faire l’amour. Arthur passe ainsi une soirée mémorable. Mais au petit matin, Sandrine a disparu de son lit. Il décide de sortir en ville afin de la retrouver coûte que coûte. Mais ses angoisses redoublent alors : pourquoi est-elle partie ? De quoi cette incursion dans sa vie est-elle révélatrice ? Que fait ce nuage de pluie au-dessus de sa tête ? Et sa mère qui le poursuit et le harcèle où qu’il aille…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’éveil est l’histoire très habilement narrée d’une reprise en main personnelle. L’histoire d’un jeune homme hypocondriaque en proie à des angoisses, lorsqu’il se rend compte qu’il est spectateur de sa vie. Il voit défiler son destin sans vraiment pouvoir l’orienter comme il le souhaiterait. Il croise des « fantômes » personnels qui le font sans cesse douter de tout (son moi jeune, sa mère…). Et puis voilà, il rencontre une femme (ha ! les femmes…), qui lui ouvre les yeux sur sa capacité à empoigner son avenir. A l’origine de cette histoire en one-shot, il y a une authentique quincaillerie à l’ancienne, qui a servi de lieu de rencontres et de débats éphémères, entre bobos bruxellois et acteurs sociaux, de septembre 2015 à janvier 2016. Et c’est dans ce lieu étonnant que notre héros en proie à des introspections de toutes sortes se révèle à lui-même… même Si la Quincaillerie n’a finalement qu’un rôle secondaire, comparé à Sandrine. Le scénario de Vincent Zabus est diablement habile et non conventionnel. Le personnage d’Arthur s’adresse parfois directement au lecteur, comme pour l’inviter à s’intéresser lui aussi aux questions existentielles fondamentales. Qui suis-je ? Où vais-je ? (dans quel état j’erre…). De même, on ne sait jamais si les rencontres et les expériences qu’il vit sont le fruit de son imagination ou authentiques. La réalité et l’ésotérisme se mêlent, sans que ça ne soit jamais très grave de s’y perdre. Tout cela est relayé par un dessin véritablement somptueux de Thomas Campi, une griffe personnelle douce et appliquée, tantôt réaliste, tantôt caricaturale, qui a vraiment de la gueule. Zabus a juste peut-être un peu de mal à conclure son histoire, une fois le propos central établi. Cela ne retire rien à l’efficience de cette subtile introspection.