L'histoire :
En 2087, le milliardaire philanthrope Reiz Iger engage un projet de colonisation spatial démentiel ! Avec trois autres astronautes et des centaines d’embryons congelés, il part à bord d’un gigantesque vaisseau à destination de l’exoplanète Geminae, aux conditions de vie similaires à celles de la Terre. Or, étant donné que Geminae se trouve à des dizaines d’années lumières de distance, le voyage est un aller simple et il prendra un temps dingue. En fait, à leur vitesse de croisière réelle, le vaisseau va mettre 20 000 ans à atteindre Geminae ! Aussi, un système de « biostases » a été mis au point : tous les 25 ans, leurs corps entrent en hibernations pour 25 ans. Entre chaque quart de siècle, ils se réveillent pendant 5 jours pour recharger les batteries, vérifier la trajectoire, reparamétrer les éventuels problèmes… Ainsi, leur voyage de 20 000 ans réels durera tout de même 11 ans ressentis. Or au terme de la 8ème biostase (soit 200 ans), ils s’inquiètent de ne plus avoir aucune nouvelle de la Terre. Peut-être l’humanité s’est-elle éteinte ? Puis au terme de la 40ème biostase (soit 1000 ans, soit 5% de leur trajet…), ils pâtissent d’un phénomène curieux : des morceaux de leur peau semble souffrir d’une sorte de nécrose ou d’eczéma, au niveau des doigts. Ils se « réparent » chacun à l’aide de leur robot « autodoc », qui supprime les zones nécrosées au laser et recoud les tissus endommagés. Hélas, au terme de la biostase suivante, la nécrose est revenue, encore pire. Une analyse leur révèle alors que ces zones de l’épiderme sont désormais minérales, comme si leurs corps se fossilisaient…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jusqu’à présent, Philippe Valette faisait dans l’humour foutraque, avec George Clooney, mi-homme Michel, ou Jean Doux et le mystère de la disquette molle. Et soudain le voici avec une aventure d’exploration spatiale tout ce qu’il y a de plus sérieux, en forme de large pavé carré à fond cosmique ! Sur le plan visuel, son dessin sur les personnages, toujours légèrement naïf, s’affine cependant de plus en plus. Et il simplifie ici la question des décors, en ayant recours au vide intersidéral, aux épaisses tempêtes de sables et à un unique décor de vaisseau réalisé en 3D ultra-réaliste et utilisé à l’envi en fond de cases. Le support graphique est donc minimaliste, ce qui n’est pas le cas du scénario, plutôt piquant à la fois dans ses sujets que pour sa construction narrative. Avec ce projet de voyage de 20 000 ans, par tranches d’hibernations de 25 ans, et au travers des imprévus originaux qui tombent sur le paletot des 4 explorateurs, le propos de fond a une dimension métaphysique digne des grandes œuvres de science-fiction. Il replace l’humain à la taille d’une poussière dans l’immensité. Le récit en lui-même se déroule à deux époques qu’on suit en alternance. D’un côté, on suit les explorateurs dans leurs phases de réveil successives, en proie à leurs imprévus ; de l’autre, on suit un barbu rafistolé et un enfant qui marchent à la surface d’une planète inhospitalière au possible, en quête de... vous verrez en lisant. Au fur et mesure que ça avance, l’une explique l’autre et le tout forme une trame cohérente, passionnante et flippante.