L'histoire :
En 1851, Antoine d’Abbadie et son frère sont à la tête d’une expédition africaine pour découvrir les sources du Nil. Hélas, leurs guides noirs échouent à les conduire jusqu’à ce point. Pour s’excuser, l’un des chefs de tribu offre à d’Abaddie un petit orphelin, Abdullah. Au début embarrassé par cet enfant (l’esclavage a été aboli en 1848), le noble français s’y attache finalement et décide de l’éduquer comme un fils. Il le ramène au Pays Basque, lui enseigne écriture, culture et savoir-vivre. A l’adolescence, Abdullah entretient même une correspondance avec Alexandre Dumas et il rêve de monter à Paris. Cette idée fâche son père adoptif, qui entretient une sévère répulsion à l’encontre du régime de Second Empire. Néanmoins Abdullah est décidé et il fugue : il veut faire son « laya » – dans la tradition de sa tribu, il s’agit de tuer un lion pour prouver qu’on est un vrai chasseur. Or dès son étape dans un quartier sordide de Bordeaux, il est dépouillé de ses économies. Pour subsister, il s’engage dans l’armée. En mai 1859, aux côtés d’autres tirailleurs « bicots » comme lui, sa bravoure lui vaut d’être médaillé héros de la victoire de Solferino, en Italie. Un an plus tard, on le retrouve en Algérie où l’armée française tente de « pacifier » les rebelles touaregs. Ses supérieurs se divisent alors sur la considération à apporter à ce soldat « turcos » lettré et émancipé. Est-il un héros à respecter ou une forte-tête métèque à mater ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans ce nouvel opus en one-shot de la série L’homme de l’année, le scénariste Jean-Pierre Pécau retrace le destin hors-normes d’un soldat français d’origine africaine. Le fictif Abdullah fut en effet, selon sa « petite histoire », le véritable héros de la « semaine sanglante » durant la Commune de Paris (1871). Il semble que cette fiction solidement accrochée à l’authenticité historique ait été inspirée par une courte nouvelle d’Alphonse Daudet, Le Turco de la Commune. A contrario du martyr de ce texte, notre héros Abdullah est ici lettré, vaillant combattant au sein de l’armée française et néanmoins militant « socialo ». Les engagements militaires de ce jeune homme permettent au lecteur de réviser des bribes d’Histoire du côté du Second Empire. Comme toujours dans les œuvres de Pécau, il peut être regrettable que le scénariste se contente de suggérer tel personnage célèbre (par exemple Louise Michel) ou telle bataille (par exemple Solferino) comme autant de jalons érudits de rigueur, sans re-contextualiser un minimum leurs places dans l’Histoire. Mais ainsi fonctionne le scénariste : s’il vous chatouille d’en savoir plus sur ces événements, il ne tient qu’à vous de creuser le sujet. Pécau s’appuie cette fois sur les talents artistiques réalistes de Benoît Dellac, qui livre une partition impeccable concernant les décors (la documentation a dû être abondante), mais plus élémentaire concernant les personnages, qui se ressemblent tous un peu (satanée mode de la moustache !). Leurs personnalités restent finalement distantes (satanée mode des one-shots !) et se prêtent donc peu à l’assimilation. Il ressort tout de même de cette représentation de la Commune de Paris une approche sérieuse et convaincante, en alternative au travail « bédessiné » de Tardi sur la période.