L'histoire :
Il était une fois une campagne paisible, non loin d’une chaîne de montagnes escarpées, à l’orée d’une forêt dense et encore hostile. Les mois et années défilaient paisiblement quand vint un temps de crise : la terre manquait à nourrir une population grandissante. Fut appelé à l’aide le sorcier Gadimos. Pour tout paiement de ses services, le magicien reçut d’une jeune fille une rose blanche, « son plus grand trésor » selon les mots de l’enfant. Touché, Gadimos accepta puis partit, non sans promettre de revenir sous peu avec un artefact qui résoudrait le problème. Le temps passa mais il ne revint pas. Et quand les villageois se décidèrent à l’aller chercher, se dressa sur leur chemin « La Bête », un monstre effroyable. De vaillants chevaliers vinrent alors la combattre mais ils disparurent à leur tour. Les villageois se résignèrent ainsi à observer « La Loi » de la Bête : quiconque s’aventurerait hors du village en des terres qui sont sienne mourra… Pendant 10 ans, la loi fut respectée jusqu’à ce jour où, poursuivie, une belle voleuse franchissait l’orée interdite. Rattrapée par ses poursuivants, au moment où elle devait être saisie, surgissaient des entrailles de la terre les Gardiens, les âmes damnés de la Bête. Le carnage aurait pu être total si la voix du maître des lieux lui-même n’avait tonné et semblé faire de l’ombre à la Lune même…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Oubliez le conte de Disney que chacun connaît, le film de Cocteau avec Marais ou tout autre référence inspirée, Patrick Sobral s’est attelé à une relecture en règle de la légende. La Belle et la Bête prend en effet sous son impulsion un virage résolument héroïque. Du coup, le conte de fée prend un sacré coup dans l’aile, comme un coup de bien aussi. L’auteur à succès des Légendaires, fidèle à l’édition jeunesse offre cependant un titre moins lisse qu’à l’habitude, plus sombre, moins « poli » (au sens littéral et figuré). Ce n’est pourtant pas faute d’avoir habillé ses personnages des armures du Zodiaque qu’il chérit tant – la référence à Saint Seya est criante, du profil à la stature. Non, c’est que la romance est moins belle car la valeur portée aux nues est celle de l’amitié. Une amitié inconditionnelle plutôt qu’un amour passionné. L’une demeure, l’autre se fâne telle la rose ici dévisagée machiavéliquement. Les thématiques écologiques et fantastiques prennent le pas sur l’histoire et installent une ambiance résolument fantasy. Le lecteur curieux dévore les pages une à une, curieux des développements imaginés. Jusqu'à rester bouche bée devant un final inattendu, à cent lieues de l’escompté. Patrick Sobral assume pleinement le cynisme figuré. De fait, il a réussi son pari qui était de surprendre, d’étonner. Une adaptation iconoclaste du mythe, dessinée avec verve, liberté et esprit « chevaleresque ». Vraiment curieux, vraiment. A lire.