L'histoire :
31 décembre 2006. 19h, dans un quartier sensible. Une patrouille de police s’arrête près d’un arrêt de bus où attendent trois jeunes gens. Après une vérification de papiers d’identité, les banlieusards sont arrêtés sans ménagement et conduits au commissariat pour une garde-à-vue dans le cadre de laquelle les jeunes sortiront libres malgré les pressions policières. Pour le sociologue Didier Fassin qui suit les forces de l’ordre pour une enquête anthropologique et qui a été le témoin de cette arrestation, ce genre de scène est tristement banale dans les quartiers populaires où la population est parfois soumise à une exception sécuritaire pouvant dégénérer et causer des drames. Comme à Clichy-sous-Bois, fin 2005, avec la mort de Zyed et Bouna. Suite à cet accident, le ministre de l’intérieur de l’époque a affirmé que les jeunes gens étaient impliqués dans un cambriolage et qu’ils n’étaient pas poursuivis par la police. Or, l’enquête qui a suivi ce drame a prouvé que les allégations du ministre de l’intérieur étaient fausses...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Adaptation de l’essai de sciences sociales de Didier Fassin, La Force de L’Ordre met en images l’enquête ethnographique de l’anthropologue. Son objectif initial était de mieux appréhender le travail de la police dans les quartiers populaires durant le milieu des années 2000. A cette période, les interactions entre les jeunes de banlieue et les policiers étaient sources de violence et de drames. Pour ce faire, c’est Fassin lui-même, en compagnie du scénariste Frédéric Debomy et du dessinateur Jake Raynal, qui a travaillé sur ce nouveau projet, histoire de toucher un plus large public. Et même si on est loin de l’analyse académique poussée et de la méthodologie de l’étude ethnographique, La Force de L’Ordre s’avère être une bande-dessinée plutôt prenante et ô combien intéressante. Ainsi, le lecteur se retrouve plongé en compagnie des policiers dans des quartiers où règne la violence et il partage avec eux un quotidien fait d’ennui, de pressions hiérarchiques et même d’agissements peu scrupuleux. Mais loin de tomber dans une sortie d’histoire trop manichéenne, Fassin et Debomy amènent à faire réfléchir le quidam sur le contexte social et les enjeux sécuritaires / politiques derrière le maintien de l’ordre dans les quartiers sensibles. De son côté, l’illustrateur Raynal colle au sujet grâce à des dessins plutôt simples et volontairement épurés (il y a peu d’arrière-plans ou de décors). Qui plus est, le parti-pris de la bichromie bleu / rouge ou vert / bleu donne à l’ensemble un aspect plutôt froid qui n’est pas toujours facile à apprécier. En définitive, même si La Force de L’Ordre n’a pas la puissance évocatrice ni l’impact que l’essai originel. Il n’en reste pas moins que la bande-dessinée reste fidèle à l’enquête ethnographique originale, et ce, en dépit de la difficulté d’adapter les quelques 400 pages d’un livre épais en seulement une centaine dans le cadre d’une BD. Ceci étant, cette œuvre qui colle toujours à l’actualité du moment mérite d’être (re)découverte.