L'histoire :
Sous la Renaissance, Ambroise Paré, chirurgien du roi, se rend sur les lieux du double crime de médecins réputés. Torturées avant d’être éviscérées, les victimes présentent de curieux symptômes : l’un a été perforé par des projectiles taillés dans de l’os, l’autre a deux curieuses glandes greffées sur la nuque. Mais Paré n’a pas le temps d’approfondir son expertise méthodique : il est remercié par les médecins de la faculté qui le considèrent comme un parvenu. Quelques jours plus tard, il reçoit la visite d’un confrère, Sylvius, qu’il croyait mort depuis plus de 10 ans ! Ce dernier se vide de ses tripes dans son séjour et trépasse, non sans lui avoir parlé auparavant d’une secte, les Asclépiades, et d’une clé qu’il a avalée et qui mène à une mystérieuse tapisserie. En bon anatomiste, Paré trouve la clé dans les boyaux de Sylvius, et s’en sert aussitôt pour pénétrer dans son laboratoire souterrain. Il trouve alors la fameuse tapisserie et se fait agresser par des soldats qui l’ont suivi. A la suite de l’altercation dont il sort vainqueur, une créature improbable, une sorte de dragon décharné, s’envole alors avec la tapisserie…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Sur les premières planches, le lecteur est véritablement désarçonné : un bucher, des créatures décharnées, une société secrète… Puis, petit à petit, Mathieu Gabella livre les subtilités de cette Renaissance décalée, dans laquelle il bouleverse les univers balisés (comme il l’avait déjà fait dans Idoles). On pénètre alors dans un thriller ésotérique baroque et bougrement intéressant, à l’ère de la grande exploration du corps humain. L’usage que le scénariste fait des entrailles et de la chair en tant qu’outils, n’est pas sans rappeler l’œuvre cinématographique de David Cronenberg (Existenz). Ici, les créatures décharnées de Gabella se recomposent à volonté à partir d’organes extérieurs, et dialoguent avec les humains à l’aide de fluides, en les embrassant (!). Bref, de quoi rendre fou Ambroise Paré, personnage réel de l’Histoire de France, qui côtoie ici centaures et licornes. Les découvertes de ce héros reposent néanmoins sur un solide canevas, parfaitement maîtrisé par un scénariste très mature. Documenté et précis, Gabella entremêle habilement des éléments historiques (les tapisseries), à des sciences qui se sont avérées exactes (les bases de l’anatomie) et à d’autres qui resteront occultes (l’astrologie et la mythologie, présentées par Nostradamus en personne). Quel programme alambiqué, pensez-vous ! Heureusement, la mise en images de cette intrigue déconcertante est confiée à un petit surdoué du dessin, Anthony Jean, dont c’est ici la première réalisation en BD ! Son trait est précis, ses planches somptueuses, sa mise en couleurs colle à merveille à l’ambiance historique et ésotérique… Espérons qu’il tiendra la distance, sur l’ensemble de la trilogie prévue.