L'histoire :
Sur un banc public parisien, soudain, une jeune femme se pose une question toute bête. Qu’est-ce qu’elle fiche ici, déjà ? Qu’était-elle en train de faire, la seconde d’avant ? Ah mais au fait… qui est-elle ? Quel est son nom ? Aïe aïe aïe, il semble qu’elle soit subitement devenue amnésique… Un bref instant de panique plus tard et elle fouille dans son sac à main pour découvrir son identité et adresse. Elle s’appelle donc Eloïse Pinson… et ce nom ne lui dit rien du tout. Elle prend ensuite le métro pour rentrer dans son appartement, ou plutôt celui indiqué sur la carte d’identité de son sac à main. Ouf, elle se souvient parfaitement du nom des rues et des usages urbains du quotidien. Premier obstacle : quel est le digicode de l’entrée… Peut-être ses doigts vont-ils composer machinalement le bon numéro ? C’est raté. Elle parvient néanmoins à rentrer en profitant de l’ouverture d’une locataire. Second obstacle : à quel étage habite-t-elle ? Elle le devine en suivant son voisin qui lui dit que son chat miaule depuis des jours. Mais une fois qu’elle aura utilisé l’une des clés du trousseau se trouvant dans son sac à main, que va-t-elle trouver à l’intérieur ? Un mari ? Des enfants ? Une surprise ? Han : et si elle était un agent secret ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ça commence comme un thriller façon Jason Bourne ou XIII, mais à la sauce franco-parisienne, « de proximité ». La problématique de l’amnésie qui nous est immédiatement livrée happe d’autant plus facilement le lecteur, que le dessin signé Pénélope Bagieu est limpide, hyper lisible et avare en phylactères. Nous allons donc enquêter sur toutes les composantes qui façonnent la vie de cette héroïne qui s’ignore. A-t-elle un logement ? Un mari ? Une famille, des amis, un job, des goûts, des activités, des centres d’intérêts ? On comprend très vite que la démarche de Boulet, compère de miss Bagieu en matière de blog à succès, n’est pas précisément le thriller… A travers la perte de mémoire d’Eloïse, Boulet nous interroge sur ce qui forge vraiment notre personnalité. Est-ce la propriété du dernier bouquin de Marc Levy que tout le monde achète parce que… tout le monde l’achète ? Est-ce le fait de suivre ses potes dans un troquet, le soir, après le boulot, pour échanger des banalités en faisant semblant d’être heureux, parce que l’habitude l’exige ? Saperlipopette, où est-elle, la substantifique moelle qui fait aimer sa vie ? Le parcours qu’Eloïse effectue sur elle-même est idéalement rythmé en chapitres, au fil de sa progression, de ses questions existentielles, de sa reconstruction sociale, de ses décisions. Au passage Boulet écorne volontiers notre société de consommations de masse à la con. Cette situation qui l’amène à revoir sa vie en la remettant à plat est grave, mais elle est traitée ici avec un maximum d’humour et de dérision (via quelques digressions métaphoriques fantasmées), qui sont eux aussi des composantes essentielles du bonheur. Page blanche vous invite donc tout simplement à partir en quête de votre bonheur. C’est énhaurne et génial.