L'histoire :
A Montmartre, il y a une maison miraclifique, l’abbaye Gré-du-vent, qui compte sept étages par temps calme et six les jours de bourrasque. Chez les pupazzi de pacotille (les gens tristement normaux) on la désigne sous le nom de « Tour des miracles », où vit en promiscuité une étrange communauté. Certains sont issus de basse source et d’autres nés de la cuisse de Jupiter. Le guetteur médiéval, appelé Harpe éolienne, un malheureux laissé pour compte par son siècle, demeurait attentif au vent furieux. Lorsque le mois de novembre se mettait en branle, l’abbaye Gré-du-vent allait à sa remorque. Accoutumés de longue date à ces tracas, les pensionnaires faisaient, durant la tempête, assez bonne contenance. Il arrivait de temps à autre qu’un membre de la camorra imparfaitement amarré fût emporté dieu sait où. La perte d’un homme ou d’un meuble était plus cruelle que celle d’un chat.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La tour des miracles est le second et dernier roman de Georges Brassens, écrit en 1950 lorsqu’il habitait chez Jeanne. Alors qu’il fuyait la Gestapo, Brassens se réfugiera chez cette femme de 30 ans son ainé, dans un logement sans gaz ni électricité. Dans la cour, c’est une vraie ménagerie. Malgré ces conditions rustiques, il restera jusqu’en 1966 dans ce cocon, y écrira ses premières chansons et ce roman. A l’instar de l’œuvre originale, cette adaptation BD, dont la première édition date de 2003, est d’un surréalisme déconcertant. Il n’y a pas d’histoire à proprement parler, mais une galerie de portraits de personnages foutraques, comme Passe-lacet, Courte-pattes, Corne d’Auroch ou encore Annie Pan-Pan-Pan. Dans cette communauté de marginaux, certains tentent de vendre le testicule du soldat inconnu, un autre guérit des jambes cassées en mangeant des plantes, une onychophage ronge les ongles des autres pensionnaires. On y trouve également la SPMH, la société de propagation des maladies honteuses. On nage en plein délire surréaliste, totalement insaisissable, dans un univers qui mélange paillardise, anarchie et poésie. Difficile de trouver une cohérence et une finalité au récit. Avec son dessin, David Prudhomme restitue habilement le caractère absurde, grotesque et la fantaisie du récit.