L'histoire :
Turin, 1911. L’écrivain Emilio Salgari vieillit et il est las de tout. Sa femme Ida est internée dans un hôpital psychiatrique. Cette terrible nouvelle finit d’achever le pauvre homme qui vivait déjà dans la solitude et la misère. Il se souvient avec nostalgie de son passé et de ses débuts. Dès son plus jeune âge, il est attiré par l’aventure. En 1872, il se crée un petit bateau de fortune et part seul naviguer sur la rivière. L’aventure tourne court quand son fragile esquif est brisé par un rocher. C’est décidé : Emilio vivra l’aventure, mais à travers ses livres et son imagination ! Plus tard, alors qu’il est journaliste, Emilio se dispute violemment avec Biasioli, un concurrent qui l’humilie en public en révélant à tous qu’Emilio n’a jamais été capitaine et qu’il s’est créé un personnage imaginaire. Les deux hommes se battent durement et se défient dans un duel à l’épée. Le combat tourne rapidement en faveur d’Emilio, qui finit par blesser son rival. En 1897, Emilio apprend une magnifique nouvelle : il est nommé chevalier Grand-Croix et connaît la gloire. Pourtant, il va vite déchanter, poursuivi par ses écarts financiers…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Emilio Salgari était un écrivain italien du début du XXème siècle. Très populaire en Italie, il se fit connaître pour ses romans d’aventure exotiques en Orient avec son personnage Sandokan, le tigre de Bornéo. Delcourt propose une biographie assez complète de cet homme atypique, sous la direction d’un autre Italien, Paolo Bacilieri. En effet, l’écrivain était un cabotin qui se faisait appeler « capitaine »… mais qui ne bougeait jamais de sa chaise, de laquelle il s’évadait dans ses livres. De plus, malgré la gloire et le succès, il vivait dans le dénuement et la difficulté, en raison de contrats iniques avec ses employeurs. Bacilieri choisit de montrer la vie de cet auteur à rebours. On suit les derniers jours tragiques de l’écrivain avant de revenir sur certains évènements importants de sa vie et de sa carrière. Ainsi, l’album est divisé en parties plus ou moins courtes, qui sont autant de flashbacks, le tout nous rapprochant de la fin de vie de Salgari. Ces retours en arrière renforcent le côté dramatique de la chute du personnage, comme si le vieillard faisait un triste bilan sur ce qu’il a vécu. Mêlant fiction et réalité, Bacilieri cite régulièrement des extraits des romans d’Emilio, alors que l’action se passe dans un Turin pauvre et vétuste. Il y a également beaucoup de silence et la narration n’est pas toujours facile quand on ne connaît pas la vie de l’auteur. Bacilieri joue en effet sur son dessin pour transporter le lecteur et certaines séquences sont de véritables romans graphiques. Avec son goût pour les paysages, Bacilieri s’attarde sur chaque détail : un clocher, un mât de bateau ou encore un chat sur une terrasse. A partir d’un trait précis et hachuré, on goûte à la réalité d’une Italie authentique et sauvage. Le lieu est le reflet de la vie d’un homme simple et modeste, bien loin du succès ou des aventures incroyables qu’il décrivait. L’ensemble est donc assez austère et peu accessible, mais il rend un hommage touchant et juste à un écrivain que la postérité a oublié, au profit de Rudyard Kipling (cité d’ailleurs dans la bande dessinée).