L'histoire :
De nos jours, dans un hôpital psychiatrique du Maryland, Ligorn, un aliéné, entre dans une de ses crises spectaculaires récurrentes : dans sa cellule, les objets se mettent à tourbillonner, à se concasser, à subir de plein fouet la tempête de puissantes forces invisibles… Seule l’intervention d’infirmiers et l’injection d’un sédatif parviennent à rasséréner l’atmosphère. Alors que le calme est revenu, Lönson, un être démoniaque qu’on appelle également le « céleste noir », se matérialise à ses côtés, pour aussitôt l’emporter dans le néant. Au même moment à la bibliothèque de New-York, la charmante professeur Eggarth, spécialiste en écritures antédiluviennes, réunit un groupe d’experts pour plancher sur une découverte majeure. En effet, l’ « Ex abisso lumen », un ouvrage médiéval que tous croyaient mythique, a été mis à jour. Or, son contenu occulte dépasse l’entendement : il se modifie toutes les 10 secondes et brouille toute prise photo ou vidéo ! Pour en tirer des extraits, le pentagone a donc requis les services d’un agent souffrant du syndrome d’Asperger, c'est-à-dire doué d’une mémoire visuelle photographique, afin qu’il en dessine compulsivement les contenus. Au même moment en Colombie, un groupe d’explorateurs met le pied sur un site archéologique inexploré, d’où émane une angoissante aura malveillante…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce thriller fantastique d’épouvante revendique clairement l’hommage au mythe de Cthulhu de HP Lovecraft. La problématique générale est posée par d’Anciens Dieux maléfiques qui peuplaient jadis la Terre et qui, ayant enfin mis un terme à leur querelles intestines dans un inframonde parallèle, débutent leur reconquête face à l’humanité. Leur ambassadeur, Lönson, est un être appelé « Céleste noir », ou différemment Satan, dont la loyauté s’avèrera ambigüe. A partir d’un tel synopsis, il serait aisé de sombrer dans les travers récursifs de la série Z, et nombre de scénarii faisant référence à Lovecraft n’évitent généralement pas ce piège. Cependant, Sylvain Cordurié semble avoir parfaitement digéré la mythologie Lovecraftienne, pour en recracher la substantifique moelle sous une forme assez convaincante. Le ton de la narration est bien différent d’Acriboréa ou de Salem la noire (ses précédentes séries, en compagnie de Stéphane Crety, un temps délaissé). Dès la scène de l’hôpital, une ambiance de terreur s’immisce dans cet épisode d’exposition. Avec un savoir-faire alliant efficacité et maturité, Cordurié alterne différentes intrigues qui permettent de saisir les enjeux de cette lutte chtonienne. En dehors de l’élégant anti-héros Céleste noir (en couverture), une héroïne se détache de l’ensemble : la charmante et manipulée professeur Eggarth. La réussite de cette mise en bouche doit aussi beaucoup au dessin fortement encré du serbe Laci (qui, via ce pseudo, nous épargne son vrai nom : Vladimir Krstic). Le dessinateur livre des planches peaufinées dans leurs moindres détails, dont le design s’inspire du cinéma fantastique américain des sixties (des persos aux décors, en passant par les effets fantastiques), en dépit de l’ère bien contemporaine de l’intrigue. Cette esthétique proche du comics colle à la perfection à l’atmosphère pré-apocalyptique du récit. Etant donné que la série s’articulera en cycles de 3 tomes, vous pouvez vous préparer à trembler, pauvres mortels !