L'histoire :
Un matin de bonne heure, alors qu'il est de garde toute la nuit, Jacques Gindrey est convoqué dans le bureau du patron de l'hôpital militaire de Hanoï. Il faut envoyer un chirurgien à Dien Bien Phu pour soigner les blessés de cette opération militaire critique pour l'armée française. Gindrey prend la nouvelle avec beaucoup de calme. Si c'est la mission qui lui est confiée, il l'accomplira sans hésiter. Pendant tout le vol qui l'emmène vers l'ouest, il dort comme un bébé. Dans la cuvette, les soldats ne connaissent pas encore la nature exacte des forces Viet Minh qui les entourent. Ils savent juste que la stratégie d'un camp retranché pour attirer l'ennemi a réussi quelques mois plus tôt à Na San. Mais les vietnamiens du général Giap ont retenu la leçon, et le nombre de soldats engagés et les armes dont ils disposent ne sont plus les mêmes. Lorsqu'il débarque dans le camp retranché, le chirurgien se met au travail. Il opère des dizaines de blessés, dort très peu, parle parfois avec des soldats pessimistes et démoralisés sans jamais se laisser impressionner. Une mission épuisante à laquelle il se consacre corps et âme, tandis que la menace autour de la cuvette se fait plus précise. De nouvelles vagues de prisonniers arrivent chaque fois qu'un point d'appui français autour perd une bataille. Le sort qui attend les soldats français devient de plus évident et inéluctable.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le très expérimenté scénariste Jean-Pierre Pécau nous livre ici un récit militaire immersif au cœur de la cuvette de Dien Bien Phu, lieu emblématique de la défaite française en Indochine. Avec beaucoup de savoir-faire et en restant au plus près des hommes, il raconte les faits, nous fait comprendre à la fois leur isolement face à une stratégie militaire qu'ils ne comprennent pas, et leur courage au quotidien. Le chirurgien est héroïque d'abnégation, tentant de sauver autant de vies que possible, alors que les blessés affluent et que la violence des combats s'accentue. Les moins férus d'Histoire comprendront un peu mieux la manière dont l'armée avait imaginé l'affrontement autour de ce camp retranché entouré de points d'appui avec leurs prénoms féminins, les attaques vietnamiennes restant toujours anonymes pour contribuer à l'effet d'identification du lecteur. Ces quelques semaines sont bien mises en images par le très réaliste Vladimir Davidenko, dont le style relativement neutre mais très percutant sert totalement l'histoire. On croisera Pierre Schoendoerffer, jeune soldat qui prend des photos et qui deviendra plus tard un des témoins majeurs de l'époque à travers ses livres et films. Mais aussi quelques noms moins connus de l'épopée militaire, comme le pilote d'avions Armand Baverel. Jacques Gindrey a vraiment existé, et tout l'album nous le fait comprendre et ressentir, sans emphase militariste et sans manichéisme.