L'histoire :
Amélie est une jeune femme de religion catholique, qui vit en Hollande au milieu du XVIème siècle. Elle est mariée à Hans, un homme marchand de la bonne société et... beau : il est tout ce qu'une Hollandaise peut attendre d'un mari. Pourtant, Amélie n'apprécie qu'une chose chez lui : son appétit pour le poulet rôti. Au quotidien, cette jeune mariée doit accompagner ses deux domestiques dans les tâches quotidiennes. Ménage, marché, cuisine, linge. Et le soir, elle doit s'astreindre au devoir conjugal, et subir les envies de son mari. Engagée dans sa foi, elle ne trouve le paradis que dans sa tête, en stimulant son imagination. Son passe-temps, sa passion, se tourne vers les airs. Les mers et les terres ayant déjà été accaparées par les hommes, elle voit dans le ciel un terrain de conquête infini. Intelligente et motivée, jour après jour, elle fait de nouvelles découvertes, et s'engage en secret dans une démarche scientifique. Elle rêve de pouvoir voler, pour investir les airs et se rapprocher de son dieu. Mais lorsque son mari découvre l'un de ses prototypes, il l'accuse de sorcellerie. Rebelle et fantasque, elle va profiter du départ de Hans dans un long périple pour vivre sa liberté. Au retour de son mari, elle va déchanter. Il a rapporté avec lui une esclave orientale, une femme-objet qu'il dit avoir sauvé de la prostitution, et qui lui permet d'assouvir ses moindres désirs.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L'autrice coréenne Yudori est engagée dans la cause féministe. Elle propose avec Le ciel pour conquête un premier album oscillant entre le roman graphique et les influences de la bande dessinée asiatique. L'objet-livre, tout d'abord, bénéficie d'une belle édition, au dos toilé et au format roman. Cette bande dessinée attise tout de suite la curiosité. Puis la lecture nous happe. Les illustrations sont délicates, en noir et blanc : les traits fins viennent sublimer les visages des personnages, leurs expressions, et permettent de détailler les décors, les objets, les vêtements. Ce dessin devrait logiquement plaire aux lecteurs de mangas, mais aussi aux lecteurs de BD franco-belge, car l'autrice réussit à croiser les cultures entre l'Orient et l'Occident. Ce mélange se retrouve dans le scénario, où nous allons suivre le quotidien de quatre femmes qui vivent sous le même toit, et qui appréhendent la vie et les hommes de façon totalement différente. Il y aura Amélie, la maîtresse de maison rebelle et rêveuse ; Sahara l'esclave exploitée mais avec un regard réaliste ; la servante naïve et la servante plus âgée qui a pu apprendre de sa propre expérience. Des femmes que tout oppose en apparence, mais pourtant, des liens vont se tisser, les rapprocher, en particulier Amélie et Sahara. L'histoire est dure, violente. Yudori pose aussi un regard décomplexé sur la sexualité et les corps. Il y sera question de viol, de sentiment d'injustice, d'épreuves vécues par ces femmes dans une société patriarcale où elles sont souvent remises à leur place. Cet album aborde des thématiques contemporaines avec une distance historique. Et il reste en tête un moment après sa lecture.