L'histoire :
Un pull trop large pour sa carrure, un blason à son initiale cousu sur le torse, un nœud de cravate négligemment ouvert, une montre trop lourde pendante au poignet, la coupe de cheveux Versailles avec la mèche qui remonte sur le côté, le regard blasé, un verre de champagne à la main… Ainsi se présente le cousin Hugues, jeune aristocrate désœuvré, qui souffre tant de sa condition… Eternel insatisfait, il flagorne volontiers auprès de son grand-oncle (qui a les pleins pouvoirs financiers et politiques), fait la cour à sa cousine Anne-Pélagie (« Mon cousin, c’est amour impossible…– Il n’en est que plus beau ! »), éprouve une tendresse pour Fipps, sa douce gouvernante (tendresse toute relative : il faut savoir conserver son rang), et méprise le taux d’alcoolémie permanent de madaâme sa mère, sous perfusion permanente de Champagne, qui s’adonne communément au scandale mondain…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tel un entomologiste de l’aristocratie ordinaire, Max Braslavsky parodie à merveille le milieu « fin de race ». Il nous en offre une caricature jubilatoire au travers de ce « djeunz » tout aussi pittoresque que son antinomie des banlieues. Evoluant dans des apparats trop larges pour ses frêles épaules (la montre énorme qui pendouille est à mourir de rire), Hugues est un insatisfait chronique. Il doit sa mélancolie désabusée à l’assurance que son fric et sa condition – indissociables de son patronyme – le préservent de tous soucis. Chez Hugues, si la contrariété est vulgaire… inévitablement, la vie est fade. Autant, donc, la passer à abuser de plaisirs faciles : le champagne à volonté et le pelotage de la cousine (inerte à tout argumentaire). Car quelques seconds couteaux féminins évoluent autour de Hugues : la mère alcoolo, la gouvernante insipide, la cousine docile… Si le grand oncle (qu’on ne voit jamais) semble assurer le train de vie, Hugues a t-il un père ? Etonnamment, on ne voit jamais un seul homme de la famille… Braslavsky, ancien animateur des studios Disney (Hercule, Tarzan…), nous offre ainsi 50 saynètes ultimement caustiques. En autant de pages en noir, blanc et niveaux de gris, il illustre pleines planche divers pans de la vie d’aristo, dans des décorums parfaitement campés (le piano, le billard, le concert, la bibliothèque, le jardin à la française, la limousine, la piscine, le château…), avec à chaque fois la réplique qui tue dans la bouche de Hugues. Cet humour décalé est d’un cynisme absolu, délicieusement jouissif !