L'histoire :
De nos jours, le dessinateur du Monde d’Alef-Thau est en dédicace dans une librairie parisienne. Au terme d’une après-midi harassante passée à dessiner non-stop, il décide d’arrêter là, épuisé, faisant quelques frustrés parmi les fans qui attendent depuis des heures. Devant l’insistance agressive d’une vielle dame et ce qui ressemble à un maléfice, il s’enfuit en moto… avant d’être immédiatement percuté par une camionnette. A l’hôpital, les médecins sont pessimistes : il est plongé dans un profond coma et rien n’indique qu’il pourra en sortir un jour. Il est alors veillé par sa compagne éplorée… Pourtant, son imagination continue de travailler : il est Alef-Thau dans le monde fabuleux de Mu-Dhara ! Au moment de son arrivée dans le coma, il accouche d’un tronc d’arbre, mais il est aveugle et dépourvu de membres. Son seul outil est une natte de plusieurs mètres, avec un couteau à son extrémité. Après avoir roulé sur un chemin rocailleux, il est recueilli par un couple de troubadours itinérants, bourlinguant dans une roulotte tirée par un chat géant. Charitables, les artistes ambulants le recueillent, tandis qu’il leur promet de faire des merveilles à l’aide de sa voix enchanteresse. Ils arrivent alors aux portes d’une ville fortifiée, Bassecour-Paradis, où les joviaux habitants sont curieusement grassouillets…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cela faisait plusieurs années qu’Alessandro Jodorowsky rêvait de donner une suite à Alef-Thau, l’une de ses toutes premières séries, précurseur de l’Incal. Il en a enfin trouvé le biais, puisqu'est aujourd'hui réédité chez Delcourt (après une première édition chez les Humano) le premier tome d’une suite ! Le partenaire dessinateur se nomme Marco Nizzoli, auteur du Jour des magiciens et des Enfants du crépuscule. Le dessin est effectivement clair, précis, fluide et s’avère parfaitement approprié à la mise en relief d’un tel décorum enluminé. Car passée une introduction contemporaine en clin d’œil au microcosme de la dédicace BD, on plonge rapidement dans un univers d’heroïc-fantasy. Vue l’imagination débordante (submergeante, même) de Jodorowsky, nul ne se bile quant à l’originalité des rebondissements. Jodorowsky brasse en effet moult références issues de la mythologie ou de l’heroïc-fantasy : on croise des ours volants, des divinités à chevelure reptilienne et même des immondes Louths avec leurs yeux sous le ventre ! L’axe scénaristique majeur se concentre alors sur un parallèle entre réalité et fiction : les péripéties d’Alef-Thau dans ce monde imaginaire interagissent avec le coma réel de son créateur. Néanmoins, à l’instar des récents scénarios de Jodo, ces aventures simples s’additionnent sur un rythme très linéaire, plutôt qu’elles ne construisent une intrigue à proprement parler. D’ailleurs, le schéma narratif ressemble singulièrement à une progression lambda dans un jeu vidéo : au fur et à mesure que le personnage surmonte les obstacles, il se gave de « mana », et cela le reconstitue. Une suite qui ravira essentiellement les fans de la série-mère et de Jodo… en attendant sa réédition chez Delcourt, courant 2010...