L'histoire :
Frédéric Pierucci est un des hauts dirigeants d'une filiale d'Alstom lorsqu'un jour de 2013, il est arrêté à sa descente d'avion par les autorités américaines. A la stupeur initiale succède très vite la sensation d'être tombé dans un piège tendu par le FBI, qui liste les charges retenues contre lui. Une affaire de corruption et de versement de pots de vin en Indonésie par sa maison-mère plusieurs années plus tôt, pour obtenir un contrat et battre sur la ligne d'arrivée un concurrent américain. En vertu d'une loi toute particulière, les Etats-Unis se sont attribué le droit de poursuivre toute société susceptible de corruption, dès qu'elle exerce la moindre activité sur le sol américain. Pierucci passera plus d'un an en prison, et rencontrera ensuite Matthieu Aron, journaliste à France Inter. Ce dernier et une cellule spéciale de la radio publique mènent une enquête approfondie sur les conditions de la vente d'une part stratégique de ses activités à General Electric. Où l'on découvre que derrière l'arrestation d'un homme, se cache une stratégie économico-politique pour réussir à mettre la main sur un fleuron de technologie. On comprend mieux les surprises successives du prisonnier français qui a assisté impuissant au déploiement d'une véritable machination.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L'enquête de Mathieu Aron trouve ici une nouvelle occasion de se faire connaitre, une excellente idée tant les conditions de ce procès contre un citoyen français aux Etats-Unis laissent sans voix. Le journaliste ne cherche pas à justifier les pratiques de corruption dont s'est rendue coupable la société qui emploie Pierucci, il explique d'ailleurs qu'elles étaient même suivies de près par les pouvoirs politiques successifs. Il dresse le portrait d'un homme littéralement harcelé pour avoir avoué un crime que ses prédécesseurs ont commis, mais dans lequel il n'était pas partie prenante. Le Foreign Corrupt Practices Act, cette loi extraterritoriale que les Etats-Unis utilisent comme une arme économique absolue, est violemment critiquée par cette enquête, qui ne donne pas non plus une grande image du patron de la société Alstom de l'époque. Les deux co-scénaristes réussissent à rendre le récit parfaitement accrocheur. On ne s'ennuie pas une minute avec ces aller-retours entre les moments d'interviews et les journées passées en prison. Les moments d'émotion ne manquent pas lorsque Pierucci avoue à sa famille qu'il pense qu'il ne s'en sortira pas. Le dessin assez épuré d'Hervé Duphot est impeccable pour soutenir le propos, sans jamais ralentir l'enchainement des révélations. Ce livre au contenu passionnant utilise le format BD de manière efficace et sans simplification outrancière.