L'histoire :
445 habitants et un seul survivant : le village de Lémine-le-Bas vient d’essuyer les foudres du « Poilu ». Le personnage est mystérieux. Brigand ? Guerrier ? Assassin ? Suppôt du Malin ? Nul ne connait réellement ses motivations, mais tous connaissent les conséquences de son passage et l’attitude à adopter : la fuite, un point c’est tout. C’est d’ailleurs exactement ce que s’empresse de faire l’heureux rescapé. Mieux : il chevauche à brides abattues, malgré une blessure à la hanche, vers Lémine-le-Haut, pour prévenir les habitants du malheur. A son arrivée, il trouve la ville vide : les villageois assistent à la représentation d’une pièce de théâtre. Interrompant le spectacle, il explique dans un dernier souffle que le Poilu n’est plus très loin. Aussitôt la ville se vide de ses habitants et la rumeur gagne la taverne du « Bouchon Dehors ». Le moment est mal choisi : Jules et Louis sont en train de plumer leurs compagnons de jeu à une table de cartes. Aussi, les mauvais perdants ont vite fait d’imaginer que Jules est le tristement célèbre « Poilu ». Prenant leurs jambes à leur cou, les deux compères ne doivent leur salut qu’à l’arrivée du colosse dont il était justement question…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Celle là, on y plonge d’abord pour le graphisme, pour l’originalité de ce nuancier noir et blanc aux épais veloutés, entre lavis et crayonnés, pour sa rondeur, pour la hachure du trait, le dynamisme des cases… Bref pour se retrouver les yeux dans un travail faisant souvent penser à l’envoutant Trois Ombres de Cyril Pedrosa et évidemment aux excès lâchés d’un Christophe Blain. Pour être franc, passé l’effet jubilatoire, l’œil fatigue néanmoins un peu. Il lui faudra même une bonne trentaine de planches pour qu’il soit définitivement convaincu de la lisibilité de l’ensemble. D’ailleurs, pour ce qui est de la lecture, on n’en perd pas une miette et seul les plus patients pourront morceler ce plaisir en petite bouchées. L’histoire que déroule ici l’excellent Olivier Rességuier est un délicieux entrelacs d’aventure (de la veine western), de fantastique teintée d’humour ou de douce folie (de la trempe Joan Sfar ou Lewis Trondheim), de conte et de poésie. Le résultat est donc des plus probants et vous ne tarderez pas à frémir devant ce fameux Poilu (rien à voir avec un héros des tranchées !). D’ailleurs, si ce dernier est en quelque sorte le fil rouge du récit, la palette de protagonistes utilisée par le scénario lui vole très rapidement la vedette. En particulier, on suit en se régalant les péripéties du duo constitué par Jean et Louis (deux coureurs de pièces d’or et jupons) et de cette drôle de tête sans corps aussi bavarde que malchanceuse. Intelligemment découpée, portée par de savoureux dialogues, offrant quelques surprises et surtout alimentée par ses personnages extravagants, la plongée dans ce drôle d’univers se fait sans douleur. Une excellente surprise pour ce premier projet de l’auteur, destiné à un lectorat adulte. A renouveler.
